Auteure :
Goulet, Marie-Josée
Pour citer cet article :
Goulet, Marie-Josée (2021). Évaluation de l’efficacité d’un dispositif de rétroaction dialoguée dans des cours de rédaction à l’université. Revue Adjectif, numéro thématique 1 : Productions d’écrits et technologies... Regards contemporains. Mis en ligne le 10-04-2021 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip.php?article556
Résumé :
Les étudiants lisent-ils les commentaires que rédigent les enseignants dans leurs travaux ? Nous présentons dans cet article un dispositif de rétroaction consistant à inviter l’étudiant à répondre à chaque commentaire de l’enseignant et à corriger son texte en conséquence. Cette méthode a été implantée dans deux cours hybrides de rédaction, donnés au premier cycle à l’Université du Québec en Outaouais à l’automne 2019. Les résultats de la recherche sont de deux ordres. En premier lieu, les réponses fournies dans un questionnaire anonyme en ligne suggèrent que les étudiants ont une perception positive de l’efficacité du dispositif de rétroaction. En effet, 24 étudiants sur 25 ont affirmé qu’ils étaient « en accord » ou « tout à fait en accord » avec les huit qualités attribuées à la rétroaction. En deuxième lieu, l’analyse des textes montre que 89 % (212 cas sur 238) des corrections effectuées par les étudiants suite à la rétroaction sont appropriées, c’est-à-dire qu’elles règlent le problème soulevé dans la rétroaction de l’enseignant, sans entraîner d’autres erreurs. Nous en concluons donc que le dispositif de rétroaction est efficace.
Mots clés :
Évaluation d’un dispositif pédagogique, Enseignement Supérieur, Formation hybride, Productions d’écrits, Québec
Cet article [1] porte sur la rétroaction, c’est-à-dire l’information transmise à un étudiant sur sa compréhension d’une situation ou sur sa performance lors d’une activité (Legendre, 2005). La rétroaction est essentielle pour que les étudiants puissent maintenir ou accroitre leur niveau de compétence dans un domaine donné (Brookhart, 2010) et elle constitue l’un des facteurs clés de la réussite (Hattie et Timperley, 2007). Au cours des treize dernières années où nous avons enseigné la rédaction à l’université, force nous a été de constater que certains étudiants reproduisaient les mêmes erreurs d’un texte à l’autre. Est-ce à dire, comme le suggèrent plusieurs auteurs (Anson, 2015 ; Song et al., 2017 ; Zaho, 2010), que les étudiants ne comprennent pas toujours nos commentaires ? Les étudiants lisent-ils nos commentaires ? La question est légitime, puisque dans leur étude quantitative des données provenant d’un environnement numérique d’apprentissage, Mensik et King (2019) ont découvert qu’un tiers des 1 462 fichiers de rétroaction n’avaient jamais été ouverts par les étudiants.
Ces questionnements ont mené à la création d’un dispositif pédagogique invitant les étudiants à réagir aux commentaires que nous laissons dans leurs travaux. Le dispositif de rétroaction a été mis en place dans deux cours hybrides à l’Université du Québec en Outaouais. Par cours hybride, nous entendons un cours alternant entre une séance en présentiel et une séance à distance, laquelle se caractérisait par des activités asynchrones effectuées par les étudiants et dont ces derniers prenaient connaissance dans l’environnement numérique d’apprentissage, en l’occurrence Moodle. La vaste majorité des étudiants des deux groupes suivaient un cours hybride pour la première fois. Aussi, le dispositif de rétroaction allait-il permettre d’atténuer la distance occasionnée par l’hybridité des cours (Jézégou, 2012) et de veiller à la qualité des interactions (Bernard et al., 2009).
Il ne suffit pas d’utiliser un nouvel outil pour qu’une pratique soit effectivement innovante d’un point de vue pédagogique. À dire vrai, une pratique pédagogique innovante implique un changement qui s’éloigne de la norme et qui a un effet positif sur la qualité des apprentissages (Bédard et Béchard, 2009). Dans cette optique, quel est le potentiel d’un dispositif de rétroaction invitant les étudiants à réagir aux commentaires de l’enseignant ? Ce dispositif est-il efficace ? La recherche présentée dans cet article cherche donc à déterminer si le dispositif de rétroaction est efficace. Pour ce faire, nous abordons deux questions de recherche :
Bon nombre d’enseignants fournissent probablement des commentaires à leurs étudiants dans les travaux, mais la méthode plus particulièrement documentée dans cet article n’a encore fait l’objet d’aucune étude, contrairement à d’autres dispositifs comme la rétroaction audiovisuelle (Anson, 2015) ou les discussions dans un forum (Mauri et al., 2016). De plus, notre méthode de rétroaction implique que l’étudiant réagisse aux commentaires de l’enseignant, en plus de corriger son texte, ce qui confère un aspect original à la recherche.
Dans cette revue de la littérature, nous nous intéressons dans un premier temps à l’efficacité de la rétroaction d’un point de vue théorique. Dans un deuxième temps, nous résumons trois études où des enseignants ont évalué l’efficacité d’une méthode de rétroaction dans un contexte d’enseignement supérieur.
Selon Brookhart (2010), une rétroaction peut être qualifiée d’efficace lorsque les étudiants apprennent et qu’ils améliorent leurs travaux. De plus, la rétroaction efficace amènerait les étudiants à être plus motivés, à croire qu’ils peuvent apprendre, à vouloir apprendre et à exercer un plus grand contrôle sur leur apprentissage. En outre, pour être efficace, la rétroaction doit être valorisée et considérée comme productive par ses utilisateurs. Enfin, Brookhart (2010) suggère trois critères que tout enseignant devrait respecter pour assurer l’efficacité de sa rétroaction, à savoir la clarté, la précision et le ton.
Du côté empirique, nous avons ciblé des études où la rétroaction a été transmise lors d’une activité de rédaction, dans un cours de niveau universitaire et intégrant les technologies. Tout d’abord, Anson (2015) a documenté son propre usage d’un logiciel permettant d’enregistrer des commentaires audio en même temps que les mouvements du curseur à l’écran, ce qu’on appelle aussi un logiciel de capture d’écran. Cette méthode de rétroaction a été comparée avec la rétroaction écrite traditionnelle, dans le cadre d’une étude quasi expérimentale à laquelle ont participé 95 étudiants. D’un point de vue conceptuel, l’étude de Anson (2015) était organisée autour de la satisfaction des étudiants. Ces derniers devaient remplir un questionnaire anonyme. Selon les résultats, les étudiants ont préféré la rétroaction audiovisuelle à la rétroaction écrite, car celle-ci était :
En outre, 96 % des répondants ont affirmé que la rétroaction audiovisuelle était « très facile » ou « facile » à utiliser.
Pour sa part, Grigoryan (2017) a jumelé la rétroaction audiovisuelle et la rétroaction écrite, ce qu’elle appelle la rétroaction multimodale. Tout comme Anson (2015), Grigoryan (2017) a effectué une étude quasi expérimentale afin de comparer la rétroaction multimodale avec la rétroaction écrite traditionnelle. Il faut souligner, toutefois, que le concept central autour duquel Grigoryan (2017) a organisé son étude est l’efficacité, et non la satisfaction. Plus précisément, les deux critères utilisés par Grigoryan (2017) sont la nature des modifications effectuées par les étudiants à la suite de la rétroaction, et la qualité des travaux avant et après la rétroaction. Les modifications effectuées par les étudiants ont été analysées grâce à une grille détaillée que devaient utiliser les correcteurs. Globalement, la modalité de la rétroaction n’a pas influencé significativement le type de révision apportée par les étudiants dans leurs textes.
Concernant la qualité des travaux, il faut savoir que les travaux étaient notés à deux moments distincts, soit lorsque les correcteurs fournissaient leur rétroaction et après que les étudiants eurent révisé leur travail. Dans sa conclusion, Grigoryan (2017) rapporte que les étudiants ayant bénéficié de la rétroaction multimodale (n = 25) ont obtenu de meilleures notes dans leurs travaux que ceux ayant obtenu une rétroaction écrite traditionnelle (n = 25), mais que cet effet positif est modéré statistiquement parlant.
La troisième étude empirique sur laquelle nous souhaitons nous attarder est celle de Mauri et al. (2016). Ces derniers ont documenté une méthode de rétroaction consistant à fournir des commentaires aux étudiants dans un forum de Moodle, lors d’une activité de rédaction collaborative. Les critères utilisés dans le questionnaire soumis aux 218 étudiants sont : la clarté, l’intelligibilité, le niveau de détail et l’adéquation des moments auxquels la rétroaction est fournie. Selon les résultats du questionnaire complété par les étudiants, la méthode de rétroaction a favorisé la motivation des étudiants, de même que leur compréhension des tâches à accomplir.
Pour résumer, les méthodes mises de l’avant par les auteurs cités pour transmettre la rétroaction, plus précisément le caractère audiovisuel de la rétroaction (Anson, 2015), la bimodalité (Grigoryan, 2017) et l’utilisation d’un forum (Mauri et al., 2016), ont engendré des effets positifs chez les étudiants, entre autres, une plus grande satisfaction chez les étudiants et de meilleures notes dans leurs travaux. La généralisation n’est pas permise, évidemment, mais aucune des études consultées ne semble aller à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle une méthode de rétroaction assistée par le numérique bénéficie aux étudiants, surtout si cette méthode a été créée dans le but de leur fournir une rétroaction enrichie.
Comme le fait remarquer Evans (2013), les critères utilisés pour évaluer les méthodes de rétroaction divergent d’une étude à l’autre. Quelques recoupements peuvent néanmoins être observés. En effet, cinq critères sont communs à deux études sur trois, soit : la clarté de la rétroaction, son niveau de précision, son effet positif sur la qualité du travail, son effet stimulant et son effet encourageant. Nous constatons donc que certains critères portent sur le contenu de la rétroaction alors que d’autres sont liés aux effets positifs de cette dernière. De plus, certains critères semblent référer davantage à la composante technologique de la méthode. Ces observations ont été prises en compte au moment de créer notre questionnaire.
3.1. Participants
Trente et un étudiants ont consenti à participer à la recherche. Les étudiants suivaient l’un ou l’autre de nos cours de premier cycle au trimestre d’automne 2019 à l’Université du Québec en Outaouais : Communication écrite I (35 étudiants inscrits) et Rédaction technique et scientifique (11 étudiants inscrits). Les étudiants du cours Communication écrite I étaient inscrits dans un programme de rédaction, de traduction ou de communication. Pour leur part, les étudiants du cours Rédaction technique et scientifique étaient inscrits dans un programme de rédaction, de traduction ou d’informatique. Le cours Communication écrite I est normalement suivi en première année d’université tandis que le cours Rédaction technique et scientifique est normalement suivi en troisième année d’université.
Parmi les 35 étudiants inscrits au cours Communication écrite I, il y avait 29 femmes et 6 hommes. Parmi les étudiants inscrits au cours Rédaction technique et scientifique, il y avait 6 femmes et 5 hommes. Puisque le nombre d’étudiants était relativement restreint dans les deux groupes et que les hommes étaient sous-représentés dans l’un des groupes, nous n’avons pas recueilli d’information sur le sexe dans le questionnaire, afin de préserver l’anonymat des participants.
Après avoir obtenu un certificat éthique, nous avons parlé de la recherche aux étudiants en classe. Quelques jours plus tard, un rappel leur a été envoyé par courriel, avec le lien vers le questionnaire. Compte tenu du fait que les étudiants devaient se prononcer sur une méthode proposée par leur enseignant et que cette personne serait en possession des résultats de la recherche, nous avons pris quelques précautions. Dans le courriel de recrutement, il était précisé que la participation à l’étude était entièrement volontaire et sans conséquence pour ceux qui ne souhaitent pas participer. Nous voulions éviter que les étudiants se sentent obligés de participer. Dans le formulaire de consentement, il était indiqué que les données recueillies dans le questionnaire ne pourraient en aucun cas mener à l’identification des étudiants, puisque les adresses IP n’étaient pas enregistrées. Ainsi, il était impossible de relier une réponse à un étudiant. Grâce à ces mesures, nous croyons avoir limité la propension que certains étudiants auraient pu avoir à surapprécier la méthode évaluée.
3.2. Dispositif pédagogique expérimenté
L’activité pédagogique consistait à rédiger un court texte d’opinion ou de réflexion sur différents sujets selon l’activité ou le cours. Au terme de l’activité, les étudiants ont déposé leur texte dans Moodle, puis nous les avons annotés avec la fonction commentaire du traitement de texte. Nous avons par la suite redéposé les textes commentés dans Moodle, en fournissant des instructions précises aux étudiants. D’abord, les étudiants devaient s’assurer d’activer le suivi des modifications et de rendre toutes les marques de révision visibles. Ensuite, ils étaient invités à répondre à chacun de nos commentaires et à modifier leur texte en conséquence. Puis, une fois leur texte corrigé, ils devaient le redéposer dans Moodle. C’est cette deuxième version du travail qui était notée. Voici deux exemples de rétroaction, avec la réponse de l’étudiant.
Exemple 1 : texte portant sur la loi obligeant les Québécoises à conserver leur nom de famille lorsqu’elles se marient
Passage initial : Pourquoi faire un tel pas en arrière dans notre émancipation en nous retirant un choix aussi personnel ?
Commentaire de la professeure (partie soulignée) : Clarté. Quel choix personnel ?
Réponse de Béatrice [2] au commentaire : Je faisais référence au choix ultra-personnel du nom qu’une femme désire porter.
Passage modifié : Pourquoi faire un tel pas en arrière dans notre émancipation en nous retirant un choix aussi personnel que le nom que l’on désire porter ?
Exemple 2 : texte portant sur les compétences des rédacteurs techniques
Passage initial : Alors que l’entreprise Giro demande de l’expérience dans le domaine de l’informatique et du transport public, l’entreprise Eaton demande de l’expérience en rédaction pour des produits d’ingénierie, des logiciels ou des domaines pertinents.
Commentaire de la professeure : Je me demande si cette phrase est au bon endroit. Relisez le début du paragraphe…
Réponse de Colin [3] au commentaire : Je comprends maintenant que l’ordre des idées de ce paragraphe nuisait à sa cohésion. J’ai donc repositionné une des phrases afin que la justification suive ce qui est avancé dans la première phrase du paragraphe.
Passage modifié : [La phrase a été déplacée.]
3.3. Instruments et méthodes de collecte des données
Une fois les activités terminées et notées, les étudiants ont été invités à remplir un questionnaire en ligne, à l’extérieur des heures de cours. Le questionnaire anonyme a été créé avec LimeSurvey et comprenait huit items. Ces items sont inspirés directement des critères utilisés dans les études antérieures, mais ont été reformulés pour les besoins de notre recherche. Les critères de clarté et de précision nous ont semblé incontournables, mais ils sont à notre avis trop vagues. Nous les avons donc reformulés du point de vue de l’étudiant. Ainsi, dans notre questionnaire, la précision de la rétroaction se traduit par la capacité de la rétroaction à exprimer précisément ce qui doit être revu ou corrigé dans le texte de l’étudiant. Pour la clarté de la rétroaction, nous avons traduit par l’accessibilité du langage employé. À ces deux critères portant sur la nature de la rétroaction, nous avons ajouté la facilité d’utilisation pour l’étudiant (Anson, 2015), son approche constructive (Anson, 2015 ; Brookhart, 2010), son potentiel de motivation (Mauri et al., 2016) et ses effets positifs sur l’apprentissage (Grigoryan, 2017).
Une échelle de type Likert à quatre niveaux a été utilisée, allant de « tout à fait en désaccord » à « tout à fait d’accord ». Toutes les questions offraient en outre l’option de ne pas répondre et de passer à la question suivante. Le temps requis pour répondre au questionnaire était de 2 à 5 minutes.
Au moment de donner leur consentement à participer à la recherche, les étudiants acceptaient que nous analysions leurs textes et que nous en fournissions des extraits dans des articles ou communications scientifiques. Le nombre total de textes recueillis est de 49, la plupart des participants ayant effectué deux activités de rédaction.
3.4. Méthodes d’analyse des données
Les statistiques descriptives du questionnaire ont été générées par le logiciel LimeSurvey. Les résultats n’ont fait l’objet d’aucun traitement.
Les textes disponibles sont au nombre de 49 et comptent environ 300 mots chacun. Chacun de nos commentaires a été traité comme un cas de rétroaction. Pour chaque cas, nous avons vérifié si l’étudiant avait répondu à notre commentaire, s’il avait modifié son texte en conséquence et si cette correction était appropriée. Si la correction réglait le problème soulevé dans le commentaire et qu’elle n’entrainait pas d’autres erreurs, elle était considérée comme appropriée. Voici un exemple tiré du texte 2 de Nicia [4] et qui porte sur l’éco-anxiété.
Passage initial : L’éco-anxiété ou la dépression verte n’est pas encore reconnue comme une maladie, mais elle est de plus en plus diagnostiquée.
Commentaire de la professeure (partie soulignée) : Cohérence. Comment la maladie peut-elle être diagnostiquée mais pas reconnue ?
Réponse de Nicia [5] au commentaire : L’idée que je tente d’exprimer est que de plus en plus de gens sont affectés dans leur quotidien en raison de ce stress relié au sort de la planète et que celles-ci (sic) doivent parfois obtenir une aide professionnelle. Je vais reformuler le tout.
Passage modifié : L’éco-anxiété ou la dépression verte n’est pas reconnue comme une maladie, mais elle affecte de plus en plus de gens.
Dans cet exemple, nous indiquons à l’étudiante que la phrase présente un problème de cohérence, une notion vue en classe. En effet, d’un point de vue scientifique, comment pourrait-on ne pas reconnaitre une maladie qu’on peut pourtant diagnostiquer ? Notre commentaire invite l’étudiante à préciser sa pensée, ce que cette dernière effectue. La version remaniée de la phrase n’est pas parfaite, mais plus cohérente en elle-même. Dans ce cas, la correction est appropriée. La conversation pourrait se poursuivre. L’enseignant pourrait demander à l’étudiante de préciser si elle parle d’une reconnaissance médicale ou sociale, car ce point n’est pas clair. L’enseignant pourrait également suggérer à l’étudiante de fournir la source sur le nombre de personnes affectées par cette maladie, si ce nombre est connu. Même si cela ne faisait pas partie de la procédure, il est arrivé à quelques reprises que l’étudiant nous retourne son texte révisé pour un deuxième cycle de rétroaction.
4.1. Réponses au questionnaire
Sur les 31 étudiants ayant accepté de participer à la recherche, 25 ont répondu au questionnaire anonyme. Les résultats du questionnaire sont présentés dans le Tableau 1. Les items sont dans le même ordre que dans le questionnaire en ligne.
Tableau 1 : Résultats du questionnaire sur l’efficacité du dispositif de rétroaction
Note : Le total ne donne pas toujours 25, car quelques étudiants n’ont pas fourni de réponses à certaines questions.
Comme l’indiquent ces résultats, la majorité des étudiants ont rapporté des avis positifs sur les attributs de la rétroaction-dialogue. Commençons par les deux premières affirmations, lesquelles portent sur la motivation. Premièrement, 20 étudiants sur 25 sont « tout à fait d’accord » et 3 sont « en accord » avec le fait que la rétroaction-dialogue les motive à améliorer leurs textes. Deuxièmement, pour l’affirmation portant sur la motivation à apprendre sur les manières d’améliorer leurs textes, ce sont 14 étudiants qui sont « tout à fait d’accord » et 9 qui sont « en accord ». Le troisième item du questionnaire visait à déterminer si la rétroaction-dialogue permet aux étudiants de savoir précisément ce qui doit être revu ou corrigé dans leurs textes. Comme on peut le voir dans le tableau 1, 16 étudiants sont « tout à fait d’accord » et 7 sont « en accord » avec cette affirmation.
Les étudiants ont-ils l’impression d’améliorer substantiellement leurs textes avec la rétroaction-dialogue ? La réponse est oui, 9 étudiants étant « tout à fait d’accord » et 14 étudiants étant « en accord » avec cette affirmation. C’est, toutefois, l’affirmation qui a reçu le moins de réponses « tout à fait d’accord ». En outre, les étudiants ont l’impression d’apprendre sur les manières d’améliorer leurs textes, 13 sur 25 ayant affirmé être « tout à fait d’accord » avec cette affirmation et 11 sur 25 « en accord ».
Le sixième attribut de la rétroaction-dialogue est l’accessibilité du langage. Autrement dit, le contenu de la rétroaction-dialogue est-il clair ? Le Tableau 1 indique que 21 étudiants sur 25 sont « tout à fait d’accord » et que 3 sont « en accord » avec cette affirmation. En septième lieu, 21 étudiants sur 25 sont « tout à fait d’accord » et 3 sont « en accord » avec le fait que la rétroaction-dialogue est une méthode constructive. Le huitième et dernier item inclus dans le questionnaire concerne la facilité d’utilisation. Ce critère est pertinent puisque la méthode était nouvelle pour tous les participants. Dix-sept étudiants sont « tout à fait d’accord » que la rétroaction-dialogue est facile à utiliser, 7 sont « en accord ».
4.2. Analyse des textes
Au total, les textes comprennent 265 cas de rétroaction. Dans 72 % des cas (190 cas sur 265), l’étudiant a répondu à notre commentaire. Le Tableau 2 présente les résultats pour ce premier cas de figure.
Tableau 2 : Résultats de l’analyse des textes lorsque l’étudiant répond au commentaire de l’enseignant
Note 1 : nombre de cas / nombre total de cas
Comme nous pouvons le voir, l’étudiant a modifié son texte dans 95 % des cas (181 cas sur 190). Les neuf commentaires qui n’ont pas mené à une modification sont des cas où l’étudiant confirme quelque chose que nous souhaitions vérifier ; aucune modification n’était requise. Poursuivons avec les 181 cas où l’étudiant a modifié son texte. Dans 88 % d’entre eux (160 cas sur 181), la correction apportée par l’étudiant est appropriée, c’est-à-dire que la correction règle le problème soulevé et n’engendre pas de nouvelle erreur.
Malgré les consignes explicites, certains étudiants n’ont pas répondu à tous nos commentaires. Ces cas représentent 28 % du total (75 cas sur 265). Le Tableau 3 en présente le détail.
Tableau 3 : Résultats de l’analyse des textes lorsque l’étudiant ne répond pas au commentaire de l’enseignant
Note 1 : nombre de cas / nombre total de cas
Dans les cas où l’étudiant ne répond pas à notre commentaire, celui-ci modifie tout de même son texte dans 76 % des cas (57 cas sur 75). Dans 91 % de ces cas (52 cas sur 57), la correction apportée est appropriée.
Soulignons que, en fusionnant les deux cas de figure, la correction est appropriée dans 212 cas sur 238, ce qui représente 89 % des cas. Nous pouvons donc conclure que la rétroaction a permis aux étudiants d’améliorer la qualité de leurs textes, du moins dans cette expérience. Pour les cas contraires, un deuxième cycle de rétroaction serait nécessaire.
Selon les résultats globalement positifs du questionnaire et de l’analyse des textes, nous pouvons affirmer que la méthode de rétroaction présente un potentiel intéressant, tant pour la motivation que pour l’apprentissage. Nous discuterons maintenant des facteurs qui ont pu influencer ces résultats. En premier lieu, rappelons que la note n’était attribuée qu’après que l’étudiant eut révisé son texte, ce qui pourrait expliquer en partie les résultats positifs concernant la motivation. En effet, n’est-ce pas motivant de corriger son texte sachant que cela nous permettra d’obtenir une meilleure note ? Nous n’avons pas considéré les notes obtenues dans cette recherche, mais nous savons que la version corrigée du texte de la vaste majorité des étudiants obtient généralement une note plus élevée que la première version, à moins que les corrections n’engendrent un grand nombre de nouvelles erreurs, ce qui est plutôt rare dans un cours de rédaction à l’université. Il faudrait peut-être inclure ce critère dans nos expérimentations ultérieures.
Deuxièmement, nous avons vu que le contenu de la rétroaction a été jugé relativement clair et précis par les étudiants. Nous croyons que de cette évaluation positive puisse découler en partie du désir conscient que nous avions de formuler des commentaires clairs et précis. Le même raisonnement s’applique pour le caractère constructif de la rétroaction, puisque nous avions le souci de recourir à un ton respectueux dans nos commentaires.
Tentons maintenant de comparer nos résultats avec ceux des études antérieures dont nous avons parlé au début de cet article. La comparaison n’est pas aisée, puisque le dispositif de rétroaction présenté dans cet article est une première dans la littérature scientifique et que notre méthodologie de recherche est unique. Nous pouvons néanmoins faire deux rapprochements. Rappelons d’abord qu’Anson (2015) et que Grigoryan (2017) ont comparé respectivement la rétroaction audiovisuelle et la rétroaction multimodale avec la rétroaction écrite traditionnelle, tandis que Mauri et al. (2016) ont étudié un dispositif qui consistait à fournir de la rétroaction dans un forum. D’une certaine manière, notre recherche ressemble à celle de Mauri et al. (2016), car la méthode de rétroaction n’est pas comparée avec une autre, et il s’avère que leurs résultats étaient également positifs.
D’un autre côté, nous ne pouvons passer sous silence la ressemblance entre notre dispositif de rétroaction et les méthodes évaluées dans les deux autres études. En effet, notre dispositif de rétroaction revêt un caractère dynamique, comme dans la rétroaction audiovisuelle ou multimodale. En ce sens, nos résultats positifs concordent avec les résultats positifs rapportés par Anson (2015) et Grigoryan (2017). Il faut toutefois admettre que notre dispositif de rétroaction donne lieu à de véritables interactions, même si ces dernières sont asynchrones.
Nous avons présenté dans cet article une recherche sur l’efficacité d’un dispositif de rétroaction consistant à inviter l’étudiant à répondre à chaque commentaire de l’enseignant et à corriger son texte en conséquence. Ce dispositif de rétroaction a été implanté dans deux cours hybrides de premier cycle à l’université. Les réponses fournies dans un questionnaire anonyme en ligne suggèrent que les étudiants ont une perception positive de l’efficacité du dispositif de rétroaction. En effet, tous les étudiants sauf un ont affirmé qu’ils étaient « en accord » ou « tout à fait en accord » avec les huit qualités attribuées à la rétroaction :
En outre, l’analyse des textes a montré que 89 % des corrections effectuées par les étudiants suite à la rétroaction étaient appropriées, ce qui signifie que le dispositif de rétroaction a contribué à l’amélioration des textes. Ces résultats combinés nous permettent de penser que le dispositif de rétroaction présente un potentiel certain tant pour l’apprentissage que pour la motivation.
Outre la validation des résultats lors d’une étude de plus grande envergure, nous entrevoyons plusieurs nouvelles avenues de recherche. Tout d’abord, nous aimerions comprendre pourquoi certaines corrections ne sont pas appropriées. Est-ce parce que l’étudiant ne comprend pas le commentaire ou parce qu’il corrige au meilleur de ses connaissances sans faire de recherche ? Des entretiens semi-dirigés avec les étudiants s’avèreraient ici d’un précieux recours.
Nous ne pouvons malheureusement pas mettre les résultats du questionnaire en relation avec les textes, car les questionnaires étaient anonymes. Il aurait été intéressant, par exemple, de pouvoir vérifier si les perceptions sur la précision de la rétroaction sont liées à la qualité des corrections apportées par les étudiants dans leurs textes. Autrement dit, un commentaire précis engendre-t-il nécessairement une correction appropriée ? Enfin, nous aimerions tenter de découvrir ce que les étudiants ont l’impression d’apprendre exactement en termes de français écrit, par exemple dans des groupes de discussion.
Si le nombre de répondants était limité dans cette recherche, empêchant toute généralisation, elle a néanmoins permis de documenter une nouvelle méthode de rétroaction. Nous espérons que les instruments et les méthodes de collecte des données proposés dans cet article puissent être utilisés par d’autres chercheurs.
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