Pour citer cet article :
El-Soufi, Aïda et Jabbour, Joanna (2018). Le Tableau Blanc Interactif et l’apprentissage de l’expression orale en langue française : Le point de vue des apprenants. Adjectif.net Mis en ligne vendredi 30 novembre 2018 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article482
Résumé :
Nous avons mené une étude qualitative de nature exploratoire sur le point de vue d’élèves libanais de 12-13 ans concernant l’utilisation du TBI par les enseignants de français. Pour mieux découvrir le point de vue des apprenants concernant l’utilisation du TBI en classe, nous avons mené au Liban une étude qualitative de nature exploratoire à travers des entretiens semi-directifs avec 23 élèves de niveaux différents en français (niveau avancé, intermédiaire et faible) des quatre classes de EB7 (12-13 ans).
Les entretiens ont cherché à comprendre le point de vue des apprenants concernant l’intérêt de l’apprentissage de la langue française, les difficultés rencontrées lors de leur apprentissage, les solutions proposées pour surmonter ces difficultés et les perceptions des élèves sur l’utilisation du TBI dans l’enseignement-apprentissage de l’oral.
Mots clés :
Enseignement secondaire, Français langue étrangère, Liban
Cet article est une synthèse d’une partie du mémoire intitulé « L’utilisation du Tableau Blanc Interactif dans le développement du lexique et de l’expression orale en langue française chez les apprenants des classes EB7 - Le cas d’une école privée à Koura (Liban- Nord) » et soutenu à l’Université de Balamand - Liban (Novembre 2017)
Durant les dernières années, le tableau blanc interactif (TBI) a fait son entrée dans les classes et est devenu un important outil pédagogique qui a changé et transformé « l’espace traditionnel de la classe en un environnement de travail, de formation et d’apprentissage » (Jeunier, Morcillo-Bareille, Camps, Galy-Marié, & Tricot, 2005, p.2). Pour ces chercheurs, le TBI grâce à ses différentes options de plus en plus nombreuses (déplacer des objets, les réduire, les agrandir ou les transformer), faciliterait l’utilisation et l’exploitation de ressources variées durant les séances de cours et son aspect ludique favoriserait une meilleure compréhension des notions enseignées. En effet, certains chercheurs pensent que donner à l’élève la possibilité de créer des ressources à travers l’utilisation du TBI lui permet d’être acteur de son apprentissage et favorise « une meilleure compréhension du sujet abordé » (Mélot, Strebelle, & Depover, 2015, p.22).
Pour ces chercheurs aussi, le « potentiel d’interactivité » du TBI est étroitement lié aux méthodes pédagogiques utilisées qui permettent aux apprenants d’être actifs. En outre, le TBI permet aussi à l’enseignant d’innover dans ses approches pédagogiques et de développer les compétences cognitives des apprenants en leur permettant de réaliser des tâches motivantes afin de mieux maîtriser l’expression orale.
Cette contribution présente les résultats d’une recherche exploratoire visant à découvrir le point de vue des élèves sur l’utilisation du TBI en classe. Elle expose dans un premier temps le contexte de l’étude, la problématique et l’hypothèse puis présente le cadre théorique lié à l’apprentissage d’une langue, les difficultés de son acquisition et l’effet de l’utilisation du TBI sur les performances des apprenants. Ensuite, elle introduit la méthodologie et la technique de recherche utilisée. Les résultats des entretiens avec les apprenants sur l’utilisation du TBI et l’apprentissage du français sont évoqués dans un dernier temps avant de finir par la conclusion et les perspectives.
L’étude a été menée dans un collège privé libanais qui a introduit le TBI dans toutes les classes sauf au secondaire : l’objectif visé par le directeur était de faciliter l’accès de cet outil aux enseignants pour qu’ils puissent utiliser les TICE dans leurs pratiques au quotidien. L’établissement est francophone et a obtenu le label CELF (Certifications d’Enseignants en Langue Française) créé par l’Institut français en 2011 et celui de « FrancEducation » (Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères), labels délivrés aux établissements qui dispensent un enseignement de et en langue française.
Pour les obtenir, la direction a imposé aux enseignants de langue française ou des disciplines non linguistiques (DNL) utilisant le français dans leur enseignement, de passer le DELF (diplôme d’études de la langue française) et le DALF (diplôme approfondi de la langue française). Le collège prépare également les apprenants des classes terminales au DELF (B2) pour pouvoir accéder plus tard aux universités francophones en France ou au Liban.
L’enseignement du français comme langue seconde exige de la part de l’enseignant de bien planifier son intervention afin de permettre aux apprenants de mieux maîtriser cette langue. Pourtant, beaucoup d’entre eux éprouvent des difficultés à s’exprimer en français à l’oral et à l’écrit. Dans cette étude, nous allons uniquement évoquer les difficultés d’ordre linguistique se rapportant à l’expression orale (grammaire, vocabulaire, conjugaison et phonétique), qui poussent l’apprenant à la traduction ou à l’utilisation de la langue maternelle, l’arabe ou le dialecte libanais. Puis, nous allons explorer la perception des apprenants concernant l’utilisation du TBI pour améliorer l’apprentissage de la langue française.
Notre point de départ repose sur le fait que l’utilisation du TBI pourrait améliorer l’apprentissage de l’oral à travers le travail collaboratif et le travail de groupe [1]. Les discussions et les échanges d’idées au sein du groupe contribueraient à enrichir le lexique des apprenants les plus faibles et les encourageraient par la suite à utiliser le vocabulaire acquis à l’oral.
Le fait que le TBI permette l’utilisation des médias divers (images, vidéos, chansons…), dans l’enseignement et l’apprentissage, influencera positivement la participation et la motivation des élèves. Selon certains chercheurs, le TBI « permet de proposer des cours plus dynamiques et des présentations plus claires et efficaces. Il augmenterait les possibilités d’interaction et de discussion entre les élèves » (Boulc’h & Baron, 2012, p.4). Pour d’autres chercheurs, son utilisation suscite une plus grande motivation des apprenants et une participation accrue durant les heures de cours (Jeunier et al., 2005). L’enseignant, en intégrant le TBI en classe de langue, pourrait en fonction d’objectifs précis, créer de nouvelles activités pédagogiques favorisant l’interaction entre les apprenants.
Importance de l’expression orale dans l’apprentissage d’une langue
Le curriculum libanais consacre 40 périodes à la compréhension et à la production orales de la langue française dans l’enseignement moyen (cycle 3). L’oral est également utilisé dans les écoles privées au Liban dans l’apprentissage des disciplines non linguistiques (DNL) comme les mathématiques, les sciences et l’informatique. Dans les petites classes, l’approche pédagogique adoptée permet à l’apprenant de maîtriser la langue à travers la reconnaissance des sons, l’acquisition du vocabulaire et des structures langagières. Cela favorisera par la suite le développement des compétences écrites puisque « la maîtrise de l’oral prépare à l’écrit » (Perrenoud, 1988).
Pour cela, et malgré les difficultés rencontrées par les enseignants, la compétence orale doit être « un objet d’enseignement » (Garcia-Debanc & Delcambre, 2001, p.3) qui permettra à l’apprenant de s’exprimer correctement et facilitera par la suite sa réussite scolaire, sociale et professionnelle.
Pour Perrenoud, la pratique facilitera l’acquisition et la maîtrise de l’oral qui est une « entreprise de longue haleine, continue et cohérente » (1991). L’enseignant doit aménager des moments permettant aux apprenants de s’exprimer grâce à de « véritables situations de communication avec de vrais enjeux entre les interlocuteurs » (Perrenoud, 1988) pour que l’élève puisse manifester sa pensée et ses sentiments, communiquer avec autrui et se faire comprendre (Schneuwly et al., 1996).
Dans l’enseignement-apprentissage d’une langue, il n’y a pas des savoirs à transmettre mais plutôt des compétences que l’apprenant doit construire par lui-même en « situation d’interaction » (Perrenoud, 1991). D’où l’importance de varier les situations de communication en classe et le travail de groupe pour permettre aux apprenants d’enrichir leur vocabulaire et surtout de pouvoir l’exploiter pour mieux se l’approprier.
Effets du TBI sur les apprenants
L’utilisation du TBI motive l’apprenant et permet à l’enseignant de mieux présenter son cours. L’utilisation de ressources variées attire les élèves et la taille de l’écran leur permet de mieux se concentrer (Glover & Miller, 2001). Le TBI permet aussi le travail en commun et accroît la participation lors de la production écrite ou la consultation d’un site sur internet (Gage, 2012).
Les options du TBI sont nombreuses et l’outil lui-même aide les élèves à « observer avec plus d’attention la manipulation du système par le professeur ». Ce qui leur permet d’être « plus motivés à participer aux activités » et « mieux préparés à utiliser les ordinateurs » (Jeunier et al., 2005, p.4). Pour cette raison, il est important que les apprenants manipulent eux-mêmes le TBI pour préparer des projets en petits groupes et les présenter devant leurs pairs.
Méthodologie et techniques de recherche
Cet examen se base sur la recherche qualitative exploratoire pour découvrir le point de vue des apprenants concernant les activités réalisées en classe, les analyser et les interpréter. Pour atteindre cet objectif, nous avons mené des entretiens semi-directifs avec 23 élèves des quatre classes de EB7. Nous avons enregistré et retranscrit tous les entretiens pour pouvoir mieux les étudier et les analyser par la suite.
Dans les paragraphes qui suivent, nous présenterons le public cible ainsi que l’outil de recherche utilisé. Ensuite, nous analyserons les résultats obtenus. La conclusion présentera les pistes à suivre pour une meilleure utilisation du TBI dans l’enseignement-apprentissage de l’oral et du lexique.
Présentation des entretiens
Les entretiens, calibrés de 10 questions ouvertes et semi-ouvertes, portent sur l’intérêt de l’apprentissage de la langue française, les difficultés rencontrées lors de son apprentissage, les solutions proposées pour surmonter ces difficultés et l’utilisation du TBI dans l’enseignement-apprentissage de l’oral.
Les entretiens, d’une durée de 6 à 12 minutes, ont eu lieu avec 24 apprenants, filles et garçons, âgés entre 11 à 13 ans, choisis parmi les 4 sections de la classe de EB7, 6 de chaque section (deux apprenants d’un bon niveau en français, deux ayant un niveau intermédiaire et deux avec un niveau plutôt faible). Les enseignantes elles-mêmes ont déterminé le niveau en se basant sur la moyenne obtenue par chaque apprenant durant les examens de langue française.
Une seule apprenante a refusé de participer et s’est retirée de l’entretien de peur d’être sanctionnée si ses réponses ne plaisaient pas à l’enseignante. Les apprenants sont désignés selon la section (A, B, C ou D) et le niveau en français (bon niveau : 1 et 2, niveau intermédiaire : 3 et 4, niveau faible : 5 et 6). Ainsi, l’apprenant (A1) se trouve dans la section de EB7A et possède un bon niveau en français, les apprenants (B3 ou B4) sont dans EB7B et leur niveau est moyen alors que les apprenants C6 ou D5 se trouvent dans deux sections différentes et leur niveau est plutôt faible.
Les entretiens ont eu lieu en langue française parce que nous avons voulu évaluer le degré d’aisance des apprenants à utiliser cette langue à l’oral et s’ils parviennent à s’exprimer correctement et à donner leur avis concernant un sujet qui les touche de près. Il est à souligner que durant les entretiens, quelques élèves ont éprouvé des difficultés à comprendre la question posée et à y répondre en français. Cela nous a engagés à reformuler la question et parfois à traduire quelques mots en arabe. Parfois, les apprenants ont compris la question mais n’ont pas pu trouver les mots adéquats en français pour y répondre. Pour cette raison, certains ont utilisé la langue arabe pour pouvoir mieux s’exprimer. Nous avons décidé de ne pas prendre en considération la variable « genre » des apprenants dans cette étude à cause du nombre réduit du groupe.
Point de vue des apprenants concernant l’apprentissage du français
Tous les interviewés s’accordent sur l’importance de l’apprentissage des langues pour communiquer avec autrui, suivre des études à l’étranger ou faire connaissance avec des étrangers de différentes nationalités. Pour eux, l’apprentissage des langues élargit l’éventail des possibilités et facilite l’accès au travail. Certains d’entre eux soulignent la difficulté d’apprendre la grammaire et la conjugaison mais aussi d’avoir un vocabulaire riche pour pouvoir s’exprimer correctement à l’oral et à l’écrit en utilisant des mots adéquats en français. Les mots constituent « la porte d’entrée » pour apprendre une langue et facilitent l’apprentissage d’autres compétences comme la grammaire, la conjugaison et la production écrite. Les apprenants pointent également l’importance d’une « bonne prononciation » et reprennent ainsi sans le savoir l’idée de Dufeu qui considère que « si le mot est mal prononcé, le message est alors mal compris » (2011). Ils estiment également qu’une communication réussie exige « un bon niveau en français basé sur la connaissance des mots et leur prononciation ».
Or, tous les apprenants s’accordent pour dire que le TBI est très peu utilisé en classe de langue. Pourtant, l’enseignant quand il est bien formé, pourrait, grâce à cet outil, créer des « situations pédagogiques, plus riches et plus diversifiées » pour « développer l’interactivité et […] l’utiliser à des fins d’apprentissage » (Mélot et al., 2015, p. 21). Le manuel du formateur ITILT [2] (2011) propose différentes activités pour une utilisation optimale du TBI en classe. Ainsi, le TBI peut être un support visuel pour la narration et les jeux de rôle ou pour l’apprentissage du sens de nouveaux mots en utilisant le jeu de cartes mémoire et l’outil de glisser-déposer. Il est également possible d’utiliser la cartographie sémantique pour comprendre les relations entre les mots d’un texte et pour organiser « le vocabulaire par thème, sens, forme ou selon les relations contextuelles, comme des registres ou des discours » (McCarthy, 1990, cité par ITILT, 2011, p. 19). Il est également important de souligner les activités d’apprentissage liées à l’écoute d’un document sonore ou celles qui favorisent la lecture à voix haute et la prononciation en utilisant le rideau ou l’encre magique pour cacher ou afficher certains éléments.
Point de vue des apprenants concernant l’utilisation du TBI en général
En ce qui concerne l’utilisation du TBI dans l’enseignement-apprentissage du français, 10 élèves pensent que le TBI est « utile » pour apprendre le français. Il améliore la compréhension de l’oral grâce à la projection de films et de courts-métrage. Il permet aussi d’effectuer des recherches sur internet et de présenter des activités et des projets en classe. Un seul estime qu’il est « utile » pour les mathématiques car il permet d’identifier facilement les formes géométriques comme « le triangle » et « le rectangle ». Trois apprenants (A4, B5, D4) considèrent que le TBI est une « bonne idée », « beau et bien » et une « nouvelle invention » sans fournir plus d’explications. Il nous semble que ces élèves éprouvent des difficultés à utiliser les termes adéquats pour s’exprimer correctement en français tout comme l’un d’eux (B4) dont la réponse est incompréhensible.
Un seul (D6) pense que le TBI est « un peu bien » parce qu’il permet de « gagner du temps » surtout pour l’effacer. Trois (B1, B2, C6) considèrent que cet outil est « important » et « efficace » et ajoutent qu’il facilite « la transmission des informations », « la compréhension les documents oraux grâce aux vidéos », « la recherche sur internet » et « la présentation des projets ». Quatre (B3, C2, C3, D1) citent les mêmes caractéristiques du TBI que leurs camarades tout en ajoutant des éléments négatifs en relation avec les problèmes techniques, les problèmes de connexion et surtout au fait que le TBI est une cause de distraction pour les élèves qui désirent le manipuler au lieu de suivre l’explication de l’enseignant.
En effet, il est important que ce dernier permette aux apprenants de manipuler cet outil et de l’utiliser pour présenter des projets pédagogiques. Malheureusement, comme il l’utilise pour de longues séances magistrales, l’intérêt porté à cet outil diminue au fil des séances et les apprenants finissent par s’ennuyer et leur motivation décroît.
Point de vue des apprenants concernant l’utilisation du TBI en classe de langue
Douze apprenants affirment utiliser le TBI à l’école pour présenter des projets pédagogiques et pour visionner en classe des vidéos et des images. Dans le cas des vidéos, l’enseignant pose des questions, ils y répondent oralement, puis les réponses sont notées au tableau. Parfois, ils lisent un texte projeté au TBI et répondent oralement aux questions de l’enseignant. Neuf apprenants soulignent que le TBI n’est pas utilisé en classe durant les séances d’expression orale. Un seul (D2) précise qu’ils ont davantage utilisé le TBI l’année dernière pour la présentation de projets alors que cette année, seule l’enseignante s’en sert pour l’explication de la grammaire. Un seul apprenant (A5) n’a pas fourni de réponse claire.
Il apparaît donc clairement que le TBI est très peu utilisé en classe durant les séances d’expression orale. Son utilisation se limite presque uniquement à la projection de documents divers : vidéos, courts-métrages ou images que l’enseignant analyse et exploite oralement. Ainsi, tous les apprenants évoquent la projection de ’vidéos’ et pour l’apprenant (A1), ’ [l’enseignante projette] des vidéos ou des courts-métrages pour les regarder ’. Tandis que pour un autre, ’ [Le TBI] nous permet de regarder des courts-métrages ’ (A2) ou bien ’ on voit une vidéo, après la vidéo, [l’enseignante] nous pose quelques questions sur ce qu’on a vu ’(A3), ’ on peut regarder des films ’ (B1), ’ On voit une vidéo. [L’enseignante] pose des questions et on répond aux questions ’ (B3).
Le TBI est également utilisé comme un tableau traditionnel sur lequel l’enseignant note les réponses des élèves en compréhension de l’écrit ou en grammaire : ’on l’utilise seulement pour expliquer ’ (D2). Quand l’apprenant l’utilise c’est souvent à cause de la difficulté éprouvée par l’enseignant en raison d’un problème de connexion ou comme le précise l’apprenant (B3), ’ [Le TBI] tombe parfois en panne et madame x demande de l’aider ’. L’apprenant (C1) pense qu’ ’ il y a des enseignants qui ne savent pas manipuler très bien le TBI, il faut les aider ’ ou l’apprenant (B2) qui précise qu’ ’ [ils] l’utilis[ent] quand la maîtresse trouve une difficulté ’ (B2). Or, cet usage pose « le problème du positionnement de l’enseignant face aux élèves et de sa propre attitude face à l’ignorance » (Leclère, Simonnot, Barcenilla, & Dinet, 2007, p.3).
L’expression orale qui est une compétence de base dans l’apprentissage d’une langue, devient une lacune pour les apprenants qui éprouvent des difficultés à s’exprimer à l’oral. Ils ont alors recours à l’anglais ou à l’arabe, leur langue maternelle, comme pour l’apprenant (D3), ’ il y a des mots que je ne connais pas, je les dis en arabe ’ ou l’apprenant (B3) ’ Je veux […] répondre à la question de madame, je sais en arabe mais je ne sais pas les mots en français ’. Alors que l’apprenant (D2) considère que ’ l’anglais est plus facile que le français et en parlant le français, parfois [il] di[t] des mots anglais ’.
Les apprenants présentent plusieurs solutions pour améliorer leur niveau linguistique. En effet, pour eux, il ne suffit pas de mémoriser des mots ou répondre à des questions pour maîtriser une langue. Il est important de ’ savoir beaucoup de mots et de savoir comment […] faire une phrase ’ (C4). Il est important de comprendre le sens des mots pour pouvoir les utiliser correctement pour reformuler une idée, discuter, exposer son point de vue ou argumenter parce que ’si on comprend bien [une langue], il est facile de l’utiliser ’ (C2). Il est également important de lire comme le précise (D1) ’ Je lis encore des contes. Ça m’aide vraiment […] à utiliser la langue française ’ ou (B5) ’ Je dois lire des contes pour capter les mots-clés, pour enrichir mon lexique ’ (B5).
Ils pensent également qu’il serait intéressant d’utiliser les différentes options du TBI pour rendre l’apprentissage de l’expression orale plus motivant et plus performant. Ainsi, l’apprenant (A2) propose de ’ faire […] des projets, chercher sur Google et présenter des informations en classe ’. Un autre pense qu’ ’ on peut faire des recherches sur internet à la maison par exemple […] et les présenter sur le TBI en classe ’ (B1) ou bien ’ on cherche une image sur Google et on parle de l’image et ce qu’elle contient ’ (D2).
Quelques pistes pour expliquer ces résultats
Il est clair que les enseignantes ont reçu une formation très basique à l’utilisation du TBI et qu’elles ne maîtrisent pas vraiment les outils TICE, pour cette raison, elles l’utilisent mal et ne tirent pas profit de sa présence en classe. Elles s’en servent uniquement comme un projecteur ou un tableau traditionnel.
Cela est dû à « leur manque d’expertise » lié surtout à une absence de formation techno-pédagogique pour leur apprendre à « enseigner autrement avec des nouveaux outils » (Leclère et al., 2007) mais aussi comme l’ont déjà constaté certains chercheurs à « l’aspect chronophage » de cet outil (Karsenti, 2002, p. 8), au temps passé à résoudre les difficultés techniques (Villemonteix & Béziat, 2013) et à celui consacré à la création de ressources (Karsenti, Collin, & Dumouchel, 2012).
Le niveau assez faible des apprenants à l’oral est le résultat de pratiques pédagogiques qui ne consacrent pas assez de temps à développer des savoir-faire mais s’attardent beaucoup plus sur la grammaire et la compréhension de l’écrit. Comme l’oral n’est pas évalué dans les épreuves officielles au Liban, les enseignants le négligent et ne prévoient pas d’activités de remédiation.
Pourtant, il serait important d’utiliser le TBI pour créer des activités ludiques, comme présenter des caricatures de presse ou des dessins humoristiques pour faire parler les apprenants, ou bien demander à un apprenant d’exécuter au TBI les directives d’un camarade pour accomplir un dessin ou aménager un espace avec différents objets (bureau, cuisine, salon…) ou habiller un mannequin. Il serait également possible
de commenter une carte muette en positionnant les symboles usuels de la météo.
Le curriculum libanais préconise que l’apprenant doit acquérir des savoir-faire pour bien maîtriser le français et ce à travers les quatre compétences orales et écrites. Or, dans l’établissement en question, l’oral est réduit uniquement aux réponses que fournissent les apprenants aux questions posées. Pourtant, l’un des savoir-faire à maîtriser en EB7 consiste à « présenter un exposé d’une dizaine de minutes, élaboré en groupe » (CRDP, 1997). Il serait intéressant de profiter de l’engouement des apprenants pour le TBI pour leur demander de préparer un exposé et de le présenter devant la classe en utilisant cet outil ou bien de commenter oralement des tableaux de peinture ou présenter les différents secteurs d’un supermarché ou d’un aéroport grâce à une succession d’images.
Une utilisation efficace du TBI demande que l’enseignant suive des formations pour construire des compétences dans le domaine des TICE. Ces formations, aussi importantes que la formation initiale, doivent être continues (Karsenti, 2007) pour que l’enseignant puisse utiliser le TBI d’une façon « efficace, raisonnée et réfléchie » (Boulc’h & Baron, 2012), pour acquérir une culture numérique et être en mesure, par la suite, de surmonter les difficultés rencontrées quand il utilise le TBI.
Il nous semble important que l’enseignant utilise les différentes options du TBI pour créer des activités ludiques et motivantes. Il est possible par exemple d’utiliser le « rideau » ou le « spot lumineux » dans la découverte d’une œuvre picturale et de demander aux élèves d’émettre des hypothèses sur la partie cachée de l’œuvre qu’ils découvrent progressivement. Il est également possible d’utiliser l’outil « formes » pour ajouter des formes à un objet existant et le modifier et de demander aux élèves de décrire ce qu’il est possible de créer comme nouvel objet. L’option « enregistrer » leur permet d’insérer facilement leur voix à un document vidéo existant et de créer ainsi leur propre bande-son. Ces activités avec leur simplicité motivent les élèves qui apprécient le côté ludique du TBI et éprouvent du « plaisir de voir leur travail projeté à l’écran » (Morris, 2001, cité par Boulc’h & Baron, 2012, p.77).
Le potentiel du TBI pourrait être exploité en classe pour développer le lexique et favoriser l’expression orale des apprenants. Il est important que l’enseignant l’utilise pour améliorer son approche, ajouter de l’interactivité au cours, varier les activités et surtout partager son utilisation avec les apprenants. Karsenti conseille de « mettre en place des formations spécifiques pour amener un plus grand nombre d’enseignants à faire manipuler le TBI par leurs élèves » (2016, p.33), pour que ces derniers profitent eux aussi de ses fonctions interactives et réalisent des projets pour les présenter en classe.
De son côté, Gage insiste sur l’importance de laisser les apprenants se servir du TBI pour accroître leur participation en classe. Pour cela, il propose de laisser les apprenants expliquer une notion à l’aide du TBI. Cela accroîtra sans doute l’interaction des apprenants : ils vont discuter, poser des questions, échanger leurs opinions (Gage, 2012).
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[1] Le travail de groupe se fait par ajout et addition de travaux individuels (suite à une répartition précise de tâches) alors que le travail collaboratif s’effectue sans division ou répartition de tâches.
[2] ITILT : Interactive Technologies in Language Teaching (Technologies interactives pour l’enseignement des langues).