Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Le numérique au service de la classe inversée en cours de FLE

vendredi 23 novembre 2018 Kim Hoa Dang

Pour citer cet article :

Dang, Kim Hoa (2018). Le numérique au service de la classe inversée en cours de FLE. Adjectif.net Mis en ligne vendredi 23 novembre 2018 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article481

Résumé :

Cette contribution analyse une expérience de classe inversée menée au département de Langues et d’Études Internationales de l’Université Nationale du Vietnam à Hanoï (ULIS). Un mouvement de transformation profonde dans l’enseignement supérieur au Vietnam concerne actuellement tous les acteurs (étudiants, professeurs, dirigeants et gestionnaires administratifs). La classe inversée figure parmi ces transformations. La mise en place de la classe inversée au Département de français - ULIS implique l’intégration des TICE dans la formation du FLE et de ce fait l’utilisation de nouveaux outils. Notre communication vise à analyser des opportunités offertes par le numérique pour faciliter des cours inversés de FLE. L’intégration des TICE dans les formations fait émerger de nouvelles questions : comment collecter et planifier les contenus, comment rendre les étudiants acteurs de leur apprentissage à distance, comment vérifier s’ils travaillent, comment les accompagner hors cours et comment favoriser une collaboration permanente au sein de l’équipe enseignante tout au long du processus enseignement-apprentissage.

Mots clés :

Apprentissage des langues, Enseignement supérieur, Français langue étrangère (FLE), Gestion de classe

Mots clés : apports du numérique, classe inversée, cours en FLE.

I/ Problématique posée

À l’heure du boom d’informations et de technologies, nous partageons vivement l’affirmation de Philippe Liria [1] « … qu’apprendre une langue aujourd’hui ne peut plus signifier la même chose qu’il y a à peine quelques années  ». La volonté de changer, non seulement de pédagogie mais aussi de contenus, s’inscrit pleinement chez les didacticiens de FLE. Malgré le manque d’études scientifiques sur les effets de la classe inversée sur les apprentissages, cette innovation pédagogique suscite un intérêt croissant des enseignants parce qu’elle renverse le processus traditionnel d’un cours tout en offrant aux élèves la possibilité de pratiquer et d’enrichir leurs connaissances.

Héloïse Dufour dans son article [2] indique que la mise en œuvre d’une classe inversée ne nécessite en soi aucune technologie particulière mais « le numérique offre des moyens simples pour la mettre en œuvre efficacement  ». Nous avons effectivement démarré des cours inversés en FLE en profitant largement des nouveaux outils, ce qui va nous permettre d’analyser de près comment les moyens numériques facilitent notre réalisation des cours inversés de FLE.

Cela fait deux ans que nous avons adapté la conception de classe inversée à nos cours de pratique du FLE. Ce changement vient du constat que depuis 2008, la modification à plusieurs reprises du principe de recrutement des étudiants à notre université (ULIS) entraîne une hétérogénéité progressive du public apprenant au Département de français. Or, les exigences en termes de compétences linguistiques et les besoins du marché du travail ne cessent d’augmenter.

En effet, avant 2008, notre Département n’a sélectionné que les faux débutants ayant au moins trois ans d’apprentissage du français au lycée. Aujourd’hui, nous acceptons également les vrais débutants et accueillons ainsi à la rentrée universitaire un public dont les niveaux de français vont de zéro à B2. Ce qui nous préoccupe, c’est que le nombre des étudiants faux débutants diminue continuellement et ne représente aujourd’hui qu’une minorité. Si en 2012, deux tiers des candidats reçus étaient faux débutants, ceux-ci ne représentent que 17% en 2018. À ce défi s’ajoute le fait que le temps réservé aux cours de pratique de la langue s’est réduit, laissant la place aux cours de français de spécialité chargés de la transmission des connaissances scientifiques et du savoir-faire professionnel.

Cette réalité nous oblige à trouver une solution pour renforcer l’autonomie des apprenants et améliorer leurs compétences pratiques de la langue. La notion de classe inversée a retenu notre attention parce qu’elle propose aux apprenants de construire des connaissances à distance et laisse ainsi aux enseignants plus de disponibilité pour la pédagogie interactionnelle en salle de classe.

Cependant, la mise en œuvre des classes inversées nous a contraints à relever différents défis. Il a fallu en effet repenser l’élaboration des séquences pédagogiques, la planification des contenus, la création des matériaux pré-cours, la diversification des activités en classe, l’accompagnement du travail autonome des apprenants et les échanges hors cours entre les actants.

Un remède efficace à nos difficultés est sans doute l’apport du numérique que nous vivons au quotidien. Toutes les tâches imposées par la mise en place de la classe inversée nous obligent à nous débrouiller. Nous avons alors envisagé d’utiliser les outils et logiciels à disposition sur le net. Il est vrai que la classe inversée repose en grande partie sur les apports des outils digitalisés, comme le constate Merit Kuldkepp [Merit Kuldkepp, L’application de la méthode de la classe inversée dans l’enseignement du français langue étrangère, Mémoire de master, Université de Tartu 2017,] « … la méthode de la classe inversée pourrait vraiment naître grâce à l’évolution technologique ».

Les lignes qui suivent visent à rendre compte et à analyser des modalités d’usage du numérique pour un cours inversé de pratique du FLE. Le recours au numérique pour la mise en place de la classe inversée nous amène à chercher comment réorganiser les contenus, comment développer l’autonomie des étudiants à distance, comment vérifier s’ils travaillent, comment les accompagner hors cours et comment favoriser une collaboration permanente entre les enseignants.

II/ Analyses des apports du numérique à la méthode inversée

Internet, des ressources pédagogiques inépuisables

Dans un cours inversé de langue, les contenus doivent être bien planifiés afin qu’une partie du savoir soit pré-acquise ou auto-acquise par les étudiants et que la pratique de la langue soit renforcée en salle de classe. Dans cette perspective, nous avons choisi de construire un support-partiellement numérisé sur la base des dossiers thématiques au lieu d’utiliser une seule méthode de FLE comme d’habitude. Dans un dossier thématique, le thème est considéré comme une plate-forme de départ guidant la collecte des documents et l’élaboration des techniques en classe.

Par rapport à la méthode de FLE Alter Ego [Annie Berthet et autres, Alter Ego 1, Méthode de français livre, Hachette FLE, Paris Cedex 2006.], celle que nous utilisions depuis des années dans les cours de pratique de la langue, le dossier thématique répond mieux aux exigences de différenciation liées à la mise en place de la classe inversée. Le dossier est certainement un support plus ouvert et plus actualisé qu’un manuel pour plusieurs raisons.

D’abord, le nombre de documents composant le dossier n’est pas fixé parce que ce type de support permet une collection régulière des documents d’exploitation et une création sans cesse des activités qui les accompagnent. Ensuite, les documents peuvent être sélectionnés et modifiés en fonction du niveau réel du public présent. Ils s’adaptent donc beaucoup mieux aux besoins et aux compétences des apprenants. Enfin, le dossier propose toujours une bibliographie ou une sitographie qui mentionne des ressources à consulter correspondant à chaque objectif d’apprentissage, ce qui permet à l’apprenant de s’entraîner et d’avancer dans le thème en question.

À côté d’un énorme arsenal de méthodes et de livres de FLE existants, Internet constitue sans aucun doute un répertoire infini dont on ne peut se passer. Une consultation sur Internet toujours rapide et certainement avec succès aide véritablement les enseignants à obtenir des documents adéquats à chacun des objectifs : communicatif, thématique, grammatical, lexical et même culturel.

Ce qui est très important dans chacun de nos dossiers thématiques, c’est la partie pré-découverte où nous proposons aux étudiantes des connaissances et activités auxquelles ils doivent se familiariser avant le cours. Pour une classe de langue, les connaissances pré-acquises sont souvent le lexique, les éléments grammaticaux, les connaissances culturelles et les techniques de lecture, de compréhension ou d’expression. Nous proposons également dans cette partie un projet de classe à préparer dès le début du dossier et à réaliser tout au long du dossier. Voici un exemple de page de pré-découverte sur le thème « La famille » niveau A1.

Les tâches en amont proposées dans chaque dossier sont toujours accompagnées des séquences pré-cours : une capsule vidéo pour la prononciation des mots nouveaux, une situation de communication réelle filmée, une démonstration du projet de classe, etc. Grâce à des documents trouvés sur Internet ou réalisés à l’aide de la technologie, la partie pré-découverte est à la portée des étudiants. L’assimilation du lexique par exemple sera plus accessible avec une vidéo qui illustre et qui permet d’entendre les mots nouveaux.

Internet permet également aux étudiants un apprentissage autonome et différencié à leur gré. Nous proposons par-ci par-là dans les dossiers des adresses électroniques où les apprenants peuvent s’entraîner davantage.

Comme au Vietnam nous ne sommes pas exposés à la langue française, nous recherchons des documents sonores permettant à nos vrais débutants un entraînement personnel à la prononciation ou à une interaction « en direct » comme s’ils étaient devant un interlocuteur. Sur ce terrain, Internet offre vraiment de nombreuses ressources, beaucoup plus en adéquation avec nos objectifs déterminés que les méthodes de FLE existantes. Nous faisons souvent travailler nos étudiants sur les sites tels que :

Des logiciels performants pour élaborer des matériaux pédagogiques

Grâce aux outils numériques, nous avons pu achever le support-manuel pour une classe inversée au niveau A1, composé de 12 dossiers thématiques et accompagné des séquences pédagogiques pré-cours. Les séquences pédagogiques sont de plusieurs types. Le premier est un vidéo-clip pour présenter les objectifs du dossier, d’autres pour transmettre des connaissances à préparer ou des séquences servant de démonstration du résultat d’un projet de classe dans l’objectif de faire voir aux étudiants ce qu’on leur demande.

Pour le niveau A1, la vidéo de présentation du dossier est en langue maternelle parce que la plupart de nos étudiants sont des vrais débutants en FLE (https://www.facebook.com/vel.mabo/videos/1136388749795152/). Nous envisageons d’inviter un(e) Français(e) à présenter le dossier aux niveaux plus élevés. Pour les autres types, nous reprenons les documents abondamment présents sur Internet, puis nous les modifions quand c’est possible ou les utilisons tels quels en souhaitant pouvoir les valoriser plus tard.

Il est vrai que l’élaboration des dossiers et des séquences pédagogiques demande énormément d’énergie et de temps d’autant plus que nous sommes au début du chemin de l’expérience de la méthode inversée. Ce que nous voudrions dire, c’est que nous bénéficions aujourd’hui de moyens formidables grâce à l’innovation technologique qui rend tout à fait possible notre travail.

Un document une fois trouvé est modifié ou valorisé en fonction du niveau de langue des apprenants, des objectifs du programme, de la durée du cours, des équipements en salle de classe, etc. S’il est trop long, on le raccourcit. Si la salle de classe n’est pas équipée de projecteur, on transforme une vidéo (un fichier.pm4) en un document audio (un fichier.pm3). Ensuite, la mise en page des dossiers ne doit pas être négligée en raison de la motivation des apprenants et de la structuration des contenus. Il est conseillé d’ajouter des images, de colorer des mots, de mettre en forme des textes… Tout ce travail est considérablement facilité de nos jours grâce au numérique.

Un grand nombre de logiciels mis à jour nous font profiter des ressources pédagogiques dans nos cours. Pour obtenir d’abord un document adéquat, puis un dossier thématique bien structuré et enfin une séquence pédagogique satisfaisante, nous utilisons fréquemment nous-mêmes des logiciels normalement gratuits, courants, faciles à manipuler et non professionnels ou spécialisés :

  • PAINT : logiciel pour construire un produit à imprimer. Avec cet outil, l’enseignant traite des images numériques. On peut modifier les couleurs et formats, on peut effacer ou ajouter les mots, on peut faire quelques traits de dessin sur l’image, on peut prendre une partie de l’image ou au contraire, combiner plusieurs images en une seule.
  • AUDACITY : outil pour construire un document sonore. Considéré comme une solution d’édition et de montage audio, ce logiciel permet à la fois d’enregistrer des données audio numériques, de couper, copier, coller, et assembler des extraits sonores ; de modifier la vitesse ou la hauteur d’un enregistrement ; et bien plus encore.
  • HOT Potatoes : outil pour créer les exercices en ligne. Il s’agit d’un exerciseur qui comprend plusieurs applications telles que JQuiz (éditeur de QCM), JCross (éditeur de mots-croisés), JMatch (éditeur d’exercices d’appariement), etc.
  • DVD Pix Play : outil pour monter ou modifier une vidéo.
  • PowToon : outil pour produire des séquences pédagogiques avec une manipulation très animée de textes et d’images.
    Dans nos classes inversées, les étudiants sont souvent invités à réaliser un produit pratique ou un projet de classe de type vidéo-clip, à exposer sur PowerPoint, à rédiger des écrits accompagnés d’images, à enregistrer des lectures théâtralisées, etc. Les résultats que nous avons obtenus rendent compte de la motivation de nos étudiants face aux technologies (https://youtu.be/Ow13esOrQbM).

Le numérique pour le travail collaboratif

La classe inversée exige de l’enseignant un travail énorme, notamment une valorisation des contenus, une scénarisation des cours, la concertation avec ses collègues et l’organisation de la pratique collaborative des étudiants. Pour ce faire, l’enseignant doit se préparer à transmettre en amont une partie des connaissances, à élaborer le questionnaire ou les activités d’interaction en salle de classe, à monter un projet d’accompagnement de l’auto-apprentissage, à prévoir une évaluation continue des contenus, et aussi à vérifier si les étudiants travaillent avant et après la classe. Ainsi, les relations humaines (enseignant/enseignant, enseignant/étudiant et étudiant/étudiant) se trouvent certainement renforcées dans une classe inversée.

La concertation pédagogique, le partage de documentation, la mise en accord sur le travail à la maison et les activités en classe, les modalités d’évaluation et matrices de test, tout se passe fréquemment sur mail, Google drive ou Dropbox. Ensuite, les échanges en direct par média deviennent de plus en plus fréquents et efficaces. Les vidéoconférences ou discussions de tout le groupe sur Zalo par exemple permettent de signaler à temps un problème ou de mettre immédiatement en commun une pratique pédagogique. Tous ces outils facilitent beaucoup notre organisation des cours.

Il s’agit en deuxième lieu de la pratique collaborative en salle de classe renforcée par un équipement numérique. Il est souhaitable d’avoir une salle dotée d’ordinateurs connectés à Internet et de projecteurs. Notre université ULIS a fait installer un réseau wifi et un projecteur dans toutes les salles de cours. Nous pouvons en profiter pour exploiter les vidéos, pour amuser la classe avec les images ou les karaokés en français, pour encourager un exposé avec PowerPoint, pour effectuer une correction collaborative des productions écrites, etc… (https://www.facebook.com/groups/234009607125185/permalink/316545022204976/).

De temps en temps, avec un simple Smartphone, l’enseignant peut organiser efficacement un cours inversé où les étudiants travaillent tous seuls et pas nécessairement dans la salle de classe. L’enseignant n’a qu’à leur confier la tâche et il obtiendra des produits achevés à la fin du cours, sans avoir besoin de les surveiller, à titre d’exemples https://www.facebook.com/groups/234009607125185/permalink/290393061486839/.

Vient enfin la tâche d’accompagnement de l’auto-apprentissage. Nous constatons que c’est la plus lourde, la plus difficile à accomplir mais c’est aussi la plus importante d’une classe inversée. Il faut entreprendre des liens étroits et permanents avec nos étudiants, les faire apprendre et leur apprendre à apprendre.

Pour ce faire, nous avons recours tout d’abord aux réseaux sociaux, Facebook en particulier. Sur Facebook, une partie du savoir généralement de faible niveau cognitif se transmet : les objectifs du cours, le vocabulaire thématique souvent illustré et prononcé, les tableaux de règles grammaticales accompagnés d’exemples à faire observer, la stratégie de communication (comment décrire une personne), les activités de mise en route pour chaque document, les exercices d’application, etc.

Sur Facebook, nous proposons des activités ludiques qui invitent les étudiants à s’impliquer : jeux, chansons, devinettes, concours. Sur Facebook, nous partageons les vidéos sur les situations de communication réelles ou pédagogiques (faire des achats), les images sur la culture francophone (faire la bise en France). Cela permet de temps en temps, petit à petit, d’encourager les étudiants à faire des commentaires en français. Facebook reste un espace de liens et de partage fiables parce qu’on peut soit poster, soit visiter énormément de contenus de tout genre et à n’importe quel moment. Il nous permet de transmettre les tâches mais aussi de vérifier les résultats sur le nombre des visites, le nombre des commentaires ou le nombre des remises des tâches (https://www.facebook.com/100004146691775/videos/940042516143963/).

Depuis un an, notre Université a ouvert deux sites « IntraNet » permettant aux enseignants de mener des cours en ligne. Sur ces sites, existent des espaces de forum, des espaces réservés aux exercices à distance avec un système de notation et de vérification des visites. Ainsi, les enseignants peuvent vérifier si leurs étudiants travaillent et évaluer leurs préparations.

III/ Discussions

Le numérique ouvre sans doute de multiples perspectives aux enseignants pour animer, voire inverser leur classe. Cependant, le succès des cours dépend également en partie de la manière dont nous utilisons les nouvelles technologies. La mise en expérimentation des cours inversés en FLE nous permet de formuler quelques remarques :

1. Vigilance sur la documentation sur Internet.

L’élaboration des dossiers thématiques nous a souvent amenés à une revalorisation des contenus au service des objectifs d’un cours. Même un document emprunté d’une méthode de FLE publiée par une édition française n’est pas automatiquement utilisable. À titre d’illustration, a été mis en précaution le passage sonore « Bonjour, je m’appelle Anna. Mon nom, c’est Delarue. Ça s’écrit D.E.L.A.R.U.E. Je suis japonaise », repris de la méthode Agenda [5]. En effet, il semble que le nom et prénom à la française de la personne qui se présente ne correspondent pas à sa nationalité japonaise.

Il faut redoubler la vigilance sur les ressources en ligne, force est de constater qu’Internet n’est pas un réseau où les informations sont fiables. Il convient de vérifier la qualité des documents sur le type du site, sur les contenus, sur le langage utilisé. Il faut prendre également des précautions concernant le traitement des données, même à des fins éducatives. Il faut aussi faire attention aux liens proposés aux apprenants en s’assurant qu’ils répondent à certains critères de sélection, qu’ils ne contiennent pas de sujets sensibles ou que les étudiants ne vont pas perdre trop de temps avec les images, etc. Un usage responsable et un tri réfléchi d’Internet garantiront des effets bénéfiques pour les apprentissages.

2. Prise de rendez-vous sur les réseaux sociaux

Comme la méthodologie inversée vise à renforcer le travail collaboratif, il est bon de fixer l’heure de se rencontrer sur Facebook de telle sorte que tous les membres du groupe soient impliqués en même temps dans une tâche. Ainsi, même à la maison, les étudiants ont toujours l’impression d’être ensemble et apprennent les uns des autres, ce qui leur permet une co-construction des savoirs. Dans nos classes, les rendez-vous sont fixés tous les soirs de 20 à 22 heures, sauf le week-end. Les demandes de préparation doivent s’afficher à ce moment-là et normalement deux jours avant le cours. La vidéo de présentation du dossier qu’on exploite la semaine suivante est visionnée le vendredi soir. Les étudiants ne sont pas obligés de se présenter ou de travailler à cette heure-là mais ils savent que les tâches seront transmises et qu’ils pourront échanger avec des amis.

Dans l’objectif de familiariser les étudiants au rendez-vous sur le réseau, nous organisons de temps en temps des petits concours, des jeux ou des devinettes. À ces occasions, nous donnons un horaire précis (très souvent à 21h) pour réunir toute la classe sur Facebook. La mobilisation est des fois surprenante : 112 commentaires en 40 minutes (https://www.facebook.com/photo.php?fbid=901269040021311&set=g.234009607125185&type=1&theater&ifg=1).

3. Dosage des tâches pré-cours

Après deux ans d’application du concept de classe inversée, nous constatons que nos étudiants sont convaincus par cette méthode d’enseignement. Nous avons mené une enquête auprès de nos 56 étudiants en première année sur leur motivation, 89% d’entre eux affirment être intéressés par ce modèle. Ils préfèrent découvrir par eux-mêmes les connaissances avant et faire des exercices d’application après en classe plutôt que de suivre la démarche traditionnelle. En effet, les effectifs des classes inversées qui sont passés en deuxième année restent plus stabilisés que dans toutes les autres classes. Cependant, une étudiante a souhaité changer de classe. Globalement, les meilleurs étudiants se montrent plus motivés que les autres et ils préparent plus sérieusement leurs cours.

Les résultats de l’enquête révèlent par ailleurs que les étudiants souhaitent ne travailler qu’une ou deux séquences de type « découverte » pour une semaine de quatre cours, pas régulièrement avant chaque cours. Par contre, les préparations de type « collecte d’informations » à une expression pratique sont appréciées : fiche d’un film pour une critique de cinéma, notes biographiques pour travailler les expressions du temps, 5 photos pour raconter un voyage… D’autre part, d’après nos observations, les étudiants sont plus nombreux à commenter sur Facebook lorsque les tâches sont simples, les préparations de type « découverte » les attirent plus que les exercices d’application, les préparations à une pratique liée à la technologie sont toujours plus attractives : faire un exposé sur PowerPoint, poster un texte illustré sur Facebook, enregistrer une lecture expressive, composer un journal de classe en PDF, faire un micro-trottoir filmé, présenter une journée en vidéo, etc. (https://www.facebook.com/100004146691775/videos/940042516143963/).

Nous savons bien qu’il n’existe pas de modèle unique de classe inversée et qu’il faut prendre du temps pour sensibiliser les élèves à cette forme innovante. La classe inversée propose un rythme modéré de transition du processus enseignement-apprentissage. Dans un cours de langue, elle propose une diversité d’activités pré-cours qui ne se limitent pas à une capsule vidéo de découverte. Elle propose non seulement de préparer aux activités d’approfondissement des notions, mais avant tout aux activités de pratique en langue. Elle propose également un accompagnement des activités hors-cours sur une durée plus ou moins longue qu’un cours en classe : projet de classe, dictée autonome, lecture expressive, découverte culturelle, spectacle en français, etc.

Il est donc important de savoir faire progresser le travail autonome et collaboratif des élèves et de les occuper de manière différenciée à tel point que chacun puisse avancer à un bon rythme.

4. Éducation au numérique au service de l’apprentissage

Sur le plan technique, 100% de nos étudiants disposent de smartphone, ordinateur ou portable et d’une connexion Internet individuelle, les salles de cours sont équipées des moyens multimédias, l’Université offre l’accès aux plateformes collaboratives institutionnelles aux enseignants et étudiants, à chacun son compte.

Si les outils numériques prérequis sont déjà mis à la disposition de la formation, l’inégalité de compétences technologiques entre les étudiants reste à prendre en compte. La plupart des étudiants utilisent les nouveaux médias principalement pour les loisirs et ne s’habituent pas à l’usage du numérique au service de l’apprentissage. Dans nos classes, au début, seuls trois ou cinq personnes sur une trentaine pouvaient manipuler certains logiciels pour créer un Powerpoint ou une vidéo. Beaucoup se montraient embarrassés face à une recherche documentaire en français sur Internet. Par ailleurs, le fait d’accéder à un cours numérisé sur les espaces numériques de travail de l’Université et d’accomplir des tâches sur les sites leur posait des difficultés. Que la classe soit inversée ou non, l’éducation aux compétences technologiques devient cruciale de nos jours où l’évolution numérique modifie davantage notre mode de vie.

Généralement, les étudiants suivent un dispositif de formation à l’informatique obligatoire dans leur cursus mais un accompagnement dans les usages des nouveaux outils au service de l’apprentissage se révèle toujours nécessaire. D’une part, les étudiants co-apprennent les uns des autres par le travail de groupe, surtout à maîtriser certains logiciels pour produire des vidéos ou des diapositives, à utiliser les équipements collectifs, à exploiter des blogs, vlogs, wikis d’apprentissage, etc. De l’autre, l’enseignant lui aussi doit avertir les apprenants sur les risques du réseau Internet, leur apprendre à naviguer avec un moteur de recherche efficace, leur proposer des activités et des projets en vue d’usage informatique.

En guise de conclusion

Toute réforme demande de la volonté et des efforts. Nous sommes d’abord conscients qu’il faille nous adapter, bien nous intégrer au contexte de grandes mutations sociales et techniques pour vouloir ensuite agir. Les classes inversées suscitent certes encore des débats. Dans notre Département, l’application de cette pédagogie reste au stade d’expérimentation et nous ne prétendons pas abandonner la classe dite traditionnelle mais alterner toutes les manières d’enseigner. L’importance pour nous est de recentrer l’apprentissage sur l’étudiant et c’est dans cet objectif que nous cherchons par tous les moyens à faire de notre mieux, même modifier plus ou moins la routine.

Parallèlement à l’innovation méthodologique, nous constatons que le numérique ouvre de multiples perspectives à un cours inversé de FLE pour favoriser l’apprentissage des élèves. Les apports du numérique sont indéniables et nous devrions être prêts à nous investir, tant du côté technique que moral, tant du côté institutionnel que personnel.

Notes bibliographiques

  1. Philippe Liria, « La classe inversée en FLE… ça bouge (enfin) ! », dans son blog personnel, posté le 25/06/2017, https://philliria.wordpress.com/2017/06/26/la-classe-inversee-en-fle-ca-bouge-enfin/

  2. Héloïse Dufour, « La classe inversée », in Technologie 193, septembre-octobre 2014. http://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/techniques/6508/6508-193-p44.pdf

  3. Merit Kuldkepp, L’application de la méthode de la classe inversée dans l’enseignement du français langue étrangère, Mémoire de master, Université de Tartu 2017,
    http://dspace.ut.ee/bitstream/handle/10062/56607/MA2017_Merit_Kuldkepp.pdf

  1. Annie Berthet et autres, Alter Ego 1, Méthode de français livre, Hachette FLE, Paris Cedex 2006.
  1. David Baglieto et autres, Agenda 1, Méthode de français livre, Hachette FLE 2011, page 16, cd 15.

 

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