Pour citer cet article :
Baron Georges-Louis et Beauné Aurélie (2013). Publication scientifique et recherche francophone sur les TICE, Une synthèse. Adjectif.net Mis en ligne vendredi 24 mai 2013 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article236
Résumé :
Pour aider les jeunes chercheurs à répondre à un appel à articles scientifiques de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) pour lequel le projet Adjectif est partenaire, cet article décrit sommairement les caractéristiques majeures du domaine de recherches concernant les utilisations des Technologies de l’Information et de la Communication en Éducation (TICE), les principales instances de diffusion des recherches et des conseils généraux pour la rédaction.
Pour favoriser la publication dans des revues scientifiques à comité de lecture de travaux de recherche, d’expériences, de pratiques, de réflexions critiques de la part de doctorants, de jeunes enseignants-chercheurs et de praticiens, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), en partenariat avec Adjectif et cinq revues scientifiques, lance un appel à projets d’articles :
http://www.auf.org/appels-offre/appel-projets-appui-la-publication-scientifique-da/
http://ific.auf.org/article122.html
Les projets d’articles reçus seront soumis à un comité scientifique composé de membres des comités éditoriaux des revues partenaires et de l’AUF, ou d’experts qui y sont associés. Les candidats sélectionnés seront ensuite réunis pour une formation à l’écriture scientifique et à la méthodologie de recherche en TICE et FOAD. Cet atelier de 3 à 5 jours sera organisé dans plusieurs lieux, en fonction de l’origine géographique des postulants. Il s’agira :
A la suite de cet atelier de formation, les auteurs se verront désigner un expert sénior, issus des comités éditoriaux des revues et site partenaires, chargés de les accompagner à distance dans la rédaction de leur article. Le processus d’accompagnement sera individualisé mais le travail de relecture et de commentaires de l’expert sera toutefois limité à trois relectures approfondies et aux échanges correspondants, dans un délai de deux mois maximum après la tenue de l’atelier.
Il reviendra ensuite à l’auteur de proposer son projet d’article à la revue qu’il aura sélectionné.
Pour aider les chercheurs à répondre à cet appel dont il est partenaire, Adjectif, décrit sommairement dans cet article les caractéristiques majeures du domaine de recherches concernant les utilisations des Technologies de l’Information et de la Communication en Éducation (TICE), les principales instances de diffusion des recherches et des conseils généraux pour la rédaction afin de guider les jeunes chercheur-e-s souhaitant s’inscrire dans ces activités [1].
Mots clés :
Guide méthodologique, Recherche en TICE
Les usages des technologies en éducation dépendent en premier lieu du développement technique, mais aussi des initiatives (publiques ou privées) conduisant à l’implantation et à la diffusion d’outils technologiques dans les systèmes d’éducation et de formation. On sait que ces technologies se déploient, non sans difficulté, suite à des décisions politiques et différemment en fonction des niveaux éducatifs ou des secteurs disciplinaires considérés.
Le milieu de recherche a une dimension francophone importante. Un certain nombre des études portant sur les TICE correspondent à ce que J. Wallet a appelé des « approches d’essai » (Wallet, 2001), qui ne sont pas guidées par une théorie très précise et qui ont parfois une frontière assez perméable avec la recherche-action, la recherche-intervention, la recherche-formation, voire l’innovation [3].
Objets d’études
Un certain nombre de travaux ont été produits afin de décrire les problématiques récurrentes du champ de la recherche sur les utilisations de technologies en éducation [4]. On synthétise ici certaines caractéristiques actuelles des études publiées.
Les travaux s’intéressent le plus souvent, sous des angles différents, à l’une des phases d’un processus allant de la conception de nouveaux environnements d’apprentissage, en passant par leur validation, jusqu’à l’analyse de leurs usages (Baron, 1990). Comme l’ont montré Albéro et Thibault (2009), les recherches s’intéressant aux modèles économiques, à la place des TIC dans l’évolution des systèmes éducatifs ou à la compréhension des politiques publiques sont assez rares tandis que la conception d’environnements informatisés pour l’apprentissage humain (EIAH) reste un champ de recherche actif. La recherche sur les usages éducatifs des technologiques dans des contextes non expérimentaux se développe (Engeström, 2007).
Questions de méthodes dans un champ pluridisciplinaire
Dans le domaine de la recherche sur les TICE, des approches issues de plusieurs disciplines [5] se croisent et, parfois, se conjuguent. Les approches interdisciplinaires sont assez exigeantes dans le sens où elles nécessitent de respecter et d’accorder les conventions de disciplines distinctes. L’exemple de la transcription d’entretien est particulièrement signifiant puisqu’il s’agit d’une modalité d’investigation très courante et commune à de nombreuses disciplines relevant des sciences humaines.
Un consensus existe sur le fait que les données d’entretien doivent être consultables sous une forme écrite déterminée qui permet de les décrire fidèlement [6]. Au sujet des conventions adoptées, des pratiques de transcription diverses co-existent : elles renvoient à autant de types d’analyses possibles (Mondada, 2008). Si en sciences de l’éducation ou en sociologie, les chercheurs produisent la plupart du temps des analyses de contenu à partir d’une transcription relativement brute des entretiens, les chercheur-e-s intéressées par la clinique ou les sciences du langage appliquent souvent des conventions destinées à analyser, par exemple, la répartition des tours de parole (la construction de l’interaction), l’énonciation ou les types textuels pour conduire, par exemple, une analyse des discours. Instrumentées au moyen de logiciels [7], les analyses de contenu peuvent permettre de mettre en relief les éléments lexicaux, les co-occurrences ou les thèmes des échanges, ce qui peut remplir les objectifs de certaines études.
Dans les sections suivantes, on décrit les supports de diffusion existants pour ces travaux, dans l’idée de donner aux jeunes chercheurs un ensemble d’indications pour proposer leurs travaux à la publication.
La diffusion des recherches s’opère au travers de nombreuses institutions :
À propos des ressources en ligne, leur identification peut sembler facile (encore qu’il soit assez délicat de trouver l’information précise que l’on recherche), mais en évaluer la validité l’est moins. Le problème peut être envisagé sous deux angles : celui de la validité des sources et celui, évidemment primordial, de la validation des contenus, relevant des politiques éditoriales des revues et des comités scientifiques.
Le cas des revues scientifiques
Les revues jouent un rôle fondamental dans la structuration de la recherche scientifique. Un point clé, pour elles, est la conformité avec les normes académiques internationales assurant la qualité des articles, ce qui passe classiquement par un processus de revue par des pairs. Les experts chargés de relire des articles indiquent aux auteurs des aspects à améliorer, une recherche n’étant jamais totalement achevée ou explicite. On note une tendance depuis quelques années, à l’installation d’un processus d’évaluation en double aveugle : l’auteur ne connaît pas les relecteurs et ces derniers ont accès à un texte dont les références aux auteurs ont été anonymisées plus ou moins soigneusement.
Le nombre de revues à prétention scientifique (c’est-à-dire faisant appel à un comité de lecture travaillant à partir de rapports écrits par des pairs) a connu dans les dernières années une augmentation assez importante, en particulier grâce à l’apparition de supports de publication électronique qui allègent les coûts de publication et permettent d’actualiser les contenus.
Un outil intéressant est le Directory of Open Access scientific journals (DOAJ) : il s’agit d’un portail répertoriant et donnant accès à de nombreux sites de revues. Le 22 mai 2013, le DOAJ recensait 9 257 journaux (soit environ 7 000 journaux de plus qu’en 2007), dont 605 576 dans le domaine éducatif (soit 395 de plus qu’en 2007). On relève que, parmi ces revues, une cinquantaine publient certaines contributions en français, une petite dizaine ne publiant qu’en français. Une étude fine permettrait de considérer l’évolution du plurilinguisme dans le domaine.
Parmi l’ensemble des revues en éducation, deux catégories peuvent être assez facilement distinguées : une majorité de journaux ont des lignes éditoriales ouvertes mais elles peuvent s’intéresser aux utilisations des technologies, d’autres sont consacrés aux TICE. Une douzaine de revues s’intéressent de manière explicite aux utilisations de technologies. On a présenté ici, sur ce portique, les principales revues scientifiques francophones spécifiquement orientées TICE.
Sites de ressources pour la recherche
À côté des portails spécialisés des revues en ligne, on constate l’établissement de sites qu’on pourrait qualifier de concentrateurs au sens où ils recueillent des publications ayant fait l’objet d’une validation ou indiquent des adresses validées où se trouvent de telles publications.
Un phénomène très important est celui des archives ouvertes, qui ont pour intérêt de rendre disponibles des contributions scientifiques validées dans un domaine donné qu’elles contribuent à structurer. Dans le domaine qui nous intéresse, on peut, au premier chef, mentionner EDUTICE (1 888 références au 22 mai 2013). Cette archive est elle-même incluse dans l’archive HAL-SHS (45 076 références), qui contient d’autres archives d’intérêt pour nous comme les archives SIC (1 496 références). Dans le domaine informatique, une archive EIAH (1 348 références) existe sur le portail HAL. Elle fonctionne en lien avec le portail européen Telearn, initiative qui n’est pas seulement francophone regroupant 1 360 références écrites. Certains sites d’archive, comme JSTOR, offrent un accès à un ensemble d’archives de revues savantes relevant de nombreuses disciplines, mais moyennant une inscription payante, les « clients » étant des institutions.
L’expérience récente montre un fort intérêt des agences d’évaluation de la recherche pour la publication dans des revues à comité de lecture et l’établissement de listes de revues qu’on pourrait qualifier d’homologuées, qui confèrent à la personne y ayant publié, un avantage sélectif en termes de reconnaissance scientifique. Du coup, la pression de publication sur ces revues s’est accrue et il est devenu très difficile pour les jeunes d’y publier. Les délais avant publication sont souvent assez longs.
Une seconde catégorie de publications, parfois qualifiées de « supports d’interface » est considérée comme attestant de la socialisation dans le milieu. Il est un peu plus facile d’y publier. Enfin, une troisième catégorie de supports, moins exigeants en termes de filtrage des contributions, sont sans doute importants pour la diffusion de la recherche mais ne confèrent pas de bonus particulier à ceux et celles qui y publient. Il en va ainsi, par exemple, de la revue en ligne Epinet.
Les qualités minimales requises d’une contribution à une revue scientifique sont bien connues : le texte doit être écrit dans une langue correcte et adaptée aux questions investiguées ; il doit préciser la question étudiée, la situer par rapport à l’existant (c’est l’état de la question), expliciter le cadre théorique utilisé et la méthodologie mise en œuvre, donner des résultats bien argumentés et proposer des perspectives. Bien sûr, il faut qu’il y ait une section cohérente de références d’appui. D’un point de vue stratégique, il est conseillé d’avoir étudié le type de production de la revue avant de lui soumettre une contribution.
L’expérience de relecteur montre que les textes soumis ne correspondent pas toujours à ce type de norme : état de question insuffisant ou déconnecté du problème traité, références théoriques ayant un rôle surtout cosmétique, méthodologie peu alignée sur le questionnement ou fautive (c’est le cas lorsqu’on a affaire à des analyses statistiques de type inférentiel portant sur des effectifs trop faibles). Il n’est pas non plus exceptionnel de constater que le texte soumis a été proposé, sous une forme parfois voisine, à d’autres supports. Il s’agit là d’une réaction probablement inévitable face à la forte sélectivité des revues dans un contexte de nécessité impérieuse de publication, mais qui contribue en fait à aggraver le problème. Ceci étant, la perfection n’est pas de ce monde. Des textes présentant des déficits par rapport à la norme peuvent tout à fait être reçus s’ils discutent sérieusement les limitations de l’étude et argumentent correctement les résultats.
Une question importante est l’ajustement de la contribution au type de support visé. Cet ajustement est rarement obtenu d’emblée. Les comités de lecture, en fait, sont confrontés à une proportion assez importante d’articles qu’on pourrait qualifier d’immatures, qui ne sont pas publiables en l’état mais qui pourraient donner lieu à publication une fois certains défauts éliminés. Les analyses des lecteurs sont une source logique d’amélioration. Mais elles ne sont pas toujours faciles à prendre en compte, surtout quand elles ne convergent pas.
S’agissant de jeunes chercheurs, une dimension importante est donc l’accompagnement qu’on peut leur proposer pour produire une œuvre recevable. Cet accompagnement est consubstantiel de certains supports d’interface. Il suppose l’établissement d’une relation de confiance entre accompagnateurs et des auteurs qui doivent surmonter la déception qu’ils ressentent face à une fin de non-recevoir et procéder à une remise en question de leur travail. Mais, malgré ce processus, certaines contributions ne parviennent pas facilement à correspondre aux attentes de revues de grande réputation. C’est pourquoi il est intéressant de procéder de manière fractionnée et de commencer par tenter de faire publier dans des supports plus ouverts des travaux originaux pouvant être d’ampleur modeste et avoir une visée tout à fait exploratoire.
Les principaux conseils qu’on pourrait donner aux jeunes auteurs seraient de proposer des textes soigneusement relus (afin d’éliminer toute incohérence), de préciser le mieux possible leur méthodologie et de prendre soin de ne pas généraliser abusivement les conclusions. Tout ce qui atteste de prudence méthodologique est bénéfique. Lorsqu’un texte n’est pas totalement original, il est capital d’indiquer sur quelles sources il s’appuie et ce qu’il reprend de travaux antérieurs. Pour le reste, beaucoup va dépendre des supports choisis.
[1] Une version développée de cet article comportant trois annexes relatives aux instances de diffusion et aux outils méthodologiques pour la recherche est accessible au téléchargement à la fin de cette publication.
[2] Ce texte s’appuie sur une communication faite lors d’une rencontre RESATICE en 2007 (Baron et al., 2007). Elle a été actualisée et adaptée afin de proposer aux jeunes chercheurs en TICE une vue globale de la structuration du champ ainsi qu’un ensemble de ressources visant l’appui à la publication d’articles scientifiques
[3] Voir notamment Peraya, D. et Charlier, B. Technologie et innovation en pédagogie. Dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur, Bruxelles, De Boeck Supérieur « Perspectives en éducation et formation », 2002, 232 p.
[4] Consulter sur ce point, les contributions issues de la première phase du projet Adjectif et consacrées à la Revue critique des courants de recherche en TICE : http://www.adjectif.net/spip/spip.php?rubrique1
[5] Informatique, psychologie, sociologie, sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication, didactiques des disciplines.
[6] Des logiciels récents permettent de ne pas séparer les données orales de celles écrites : http://www.sonal-info.com/
[7] Il existe un certain nombre de logiciels d’analyse qualitative (http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article172&lang=fr). Pour l’étude de textes ou d’entretiens, les logiciels Alceste, Modalisa et Textométrie sont d’un usage courant.
[8] Un ensemble d’événements scientifiques reconnus est décrit dans une rubrique spécifique du projet Adjectif : http://www.adjectif.net/spip/spip.php?rubrique34 ; il est possible d’opérer des veilles au moyen d’agrégateurs de flux RSS (voir par exemple sur Framasoft) ou en s’abonnant à différents services de curation (voir un comparatif des différents services en ligne).
[9] Voir notamment le moteur de recherche consacré aux travaux universitaires Google Scholar.