Par Lisseth Cruz Copa
Les trois projets analysés ci-dessous traitent d’expériences pédagogiques mettant en scène l’utilisation de technologies de l’information et notamment d’Internet dans l’enseignement d’une culture étrangère selon différentes approches. Celles-ci visent à créer des contextes de mises en situations propices à de nouveaux modes d’apprentissages là où les méthodes courantes ne peuvent répondre de manière satisfaisante aux attentes.
Dans l’article « Utilisation de la visioconférence dans un programme de FLE : tâches communicatives et interactions orales » d’Agnès Marcelli, David Gaveau et Ryoko Tokiwa, les chercheurs font part d’un projet nommé « FR 2003 » concernant des cours expérimentaux de Français Langue Étrangère (FLE) pour un même groupe d’étudiants japonais en présentiel intensif en France, puis à distance au Japon avec la plateforme de téléformation WebCT™ (2005, p. 1).
L’expérience s’est déroulée en trois phases : une phase préparatoire par les enseignants, une phase présentielle puis une phase à distance. Lors de la phase présentielle, les apprenants ont découvert et préparé les activités qu’ils allaient ensuite réaliser à distance, comme des vidéographies (portrait de leurs futurs interlocuteurs en visioconférence), des jeux de rôle et un projet de recherche culturelle (p. 4). L’utilisation de la vidéo lors des jeux de rôles devait permettre aux apprenants de s’auto-évaluer, corriger leur propre performance, et se familiariser avec la caméra (pp. 8-9). La phase à distance a fait l’objet de sept visioconférences utilisant les mêmes types d’activités qu’en présentiel (p. 6) : « il apparaît que les tâches de type interview sont les plus difficiles à gérer pour les apprenants. Ce sont en effet les séances les plus propices aux échanges spontanés entre les apprenants et les personnes-ressources » (p. 6).
D’après les auteurs, les apprenants remarquent qu’ils ont mis en place des nouvelles stratégies d’apprentissage notamment en se corrigeant à partir de vidéos enregistrées, en posant des questions simples à un tiers pour mieux comprendre un langage rapide et complexe (p. 11).
Selon les chercheurs, la visioconférence permet de recréer des effets de face à face concernant la communication mimo-gestuelle lorsque sont montrés « les interlocuteurs en gros plan pour mieux voir et apprécier l’expression de leurs visages » (p. 15). Ils montrent que « la téléprésence renforce ainsi la "tension communicative" ou "l’urgence à être compris" par l’autre, la motivation des apprenants trouvant soudain une finalité concrète dans le cadre d’une communication authentique » (p. 14). Notons qu’à l’époque, la qualité des réseaux a fréquemment perturbé le dispositif de visioconférence.
Dans le deuxième article que nous présentons, Véronique Pugibet (2006) fait part de l’intérêt d’utiliser Internet pour former les futurs enseignants de langue espagnole aux différentes cultures du monde hispanique. Une formation aux cultures devrait permettre aux futurs professeurs de prendre conscience des supports pédagogiques à leur disposition pour identifier leur manque d’expérience, leurs préjugés et finalement des limites de leur système de pensée (p. 1). « Le but est d’encourager une analyse critique et objective de la réalité pour acquérir une distance par rapport aux idées qui circulent sur la culture étrangère » (p. 4). La démarche de recherche consiste donc à appréhender les stéréotypes des étudiants à partir d’un travail avec Internet (p. 5). L’enseignant présélectionne les ressources Internet à consulter « pour ébranler le regard initial des enseignants débutants en visitant des sites inattendus » (p. 5) mais surtout pour comprendre quels sites les étudiants vont retenir et quelles activités pédagogiques ils vont construire en lien. Il ressort de l’expérience que les 28 futurs professeurs semblent avoir choisi les sites concernant des villes qu’ils connaissaient et qui, sans doute, les rassuraient.
L’auteure pense qu’ils se sont ainsi sentis plus attirés par des ressources « touristiques » plutôt que pratiques qui intéresseraient une personne ayant pour projet de s’installer dans le pays (p. 8). Il ressort également, une inégale aisance dans l’utilisation d’Internet. « Ceux qui ont l’habitude de naviguer ont su proposer des activités tirant un bon parti des potentialités offertes par le support : écrire au chanteur pour donner son opinion sur sa chanson, participer à des forums, répartition de tâches par binômes, organisation d’un voyage virtuel à partir d’une cyberquête tandis que les autres ont généralement élaboré des activités conformes à ce qu’offrent les manuels scolaires : imitation de phrases en changeant le sujet, apprendre des phrases des sites par cœur, citer les couleurs des quartiers sur une carte, etc. » (p. 9).
Le dernier article concerne une recherche qui a pour but de favoriser l’intégration des étudiants étrangers de l’école nationale des ponts et chaussées. L’auteure, Isabelle Salengros-Iguenane (2014), présente l’apport d’Internet dans un module de formation intitulé « Partager les cultures des Français ». Elle explique que la culture partagée de la communauté se serait « formée en particulier au sein des classes préparatoires aux grandes écoles et donc avant l’arrivée des étudiants étrangers ». Ces derniers éprouveraient parfois « un sentiment d’exclusion linguistique, culturelle ou relationnelle » car « ils ne possèdent pas la mémoire collective, la culture partagée » (p. 1).
« Les thèmes abordés, correspondant à des savoirs socioculturels, traitent de la presse, la chanson, le cinéma, la BD, l’histoire, la littérature et la poésie et le lexique des jeunes » (p. 3). La méthode consiste à « sonder les apprenants sur ce qu’ils souhaitent découvrir, rechercher et "pédagogiser" des ressources sur la Toile » (p. 4), puis à laisser les apprenants naviguer et travailler à leur rythme sur ces ressources présélectionnées. « La phase de recherche débouche sur une production orale ou écrite de synthèse, des prises de parole en public, des questionnaires, des productions permettant d’exprimer son opinion, de décrire ou d’argumenter » (p. 4). Les apprenants sont également invités à tenir un journal de bord (p. 5).
Ces expériences illustrent quelques-unes des difficultés de l’apprentissage d’une langue et d’une culture nouvelle. La réflexion sur l’apport d’Internet et des outils de communication mis au service de l’éducation semble permettre des ouvertures constructives.