Pour citer cet article :
Bouh Messan Daniel, Bi Sehi Antoine Mian (2017). Enjeux et perspectives des usages des TIC dans la profession d’éducateurs. Le cas de quatre établissements de la région de Bondoukou en Côte d’Ivoire. Adjectif.net Mis en ligne vendredi 23 juin 2017 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article433
Résumé :
À travers une enquête qualitative, nous avons recueilli des données à partir d’entretiens conduits avec 13 éducateurs issus de 4 établissements du secondaire public en Côte d’Ivoire. L’analyse des données de la présente étude montre que, par manque d’équipements et de formation, l’usage de ces technologies n’est pas encore effectif dans tous les établissements. Toutefois, certains éducateurs arrivent à se servir des TIC quand d’autres affirment leur volonté de s’en servir. Cela montre qu’il existe un engouement de la part de ces éducateurs.
Mots clés :
Côte d’Ivoire, Éducateurs, TIC
par Bouh Messan Daniel (École Normale Supérieure d’Abidjan, licence professionnelle en Sciences de l’Éducation, option éducateur en milieu scolaire, 2016)
et Bi Sehi Antoine Mian (Enseignant-Chercheur en TIC à l’École Normale Supérieure d’Abidjan)
Conscients de la place des TIC pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement et l’apprentissage, la Côte d’Ivoire, à l’instar des autres pays africains, a décidé d’intégrer les TIC dans son système éducatif. Alors que les usages des TIC dans les pratiques des enseignants commencent à être documentés en Côte d’Ivoire (Mian, 2011 ; Azoh, N’guessan et N’Dédé, 2012), l’on constate que peu d’études portent sur la profession des éducateurs, acteurs importants de la vie scolaire. Ces derniers sont des professionnels de l’encadrement et des animateurs de la vie scolaire. Ils interviennent dans le suivi et l’accompagnement des élèves, leur métier comprenant des éléments pédagogiques, sociaux et administratifs.
Pourtant, une éducation de qualité doit son dynamisme à l’effort conjugué de l’ensemble de son personnel et à la qualité du service de chacune des équipes (personnel de direction, personnel d’enseignement, personnel d’encadrement). Aussi, vu l’importance croissante que revêt le numérique sur le plan socioprofessionnel et sa présence dans presque tous les secteurs d’activité (sécurité, santé, éducation, etc.), nous paraît-il judicieux d’entreprendre une étude de cas portant sur la place des TIC dans la profession des éducateurs.
La réflexion et l’analyse autour de ce sujet sont organisées en quatre parties. La première partie présente le cadre théorique de l’étude. La deuxième partie est consacrée au cadre méthodologique. La troisième partie est réservée aux résultats et la discussion de ces résultats est abordée dans la quatrième partie.
L’utilisation des TIC dans l’éducation est une volonté politique pour la Côte d’Ivoire qui veut répondre aux exigences de qualité de son système éducatif et de modernisation de ses administrations. Ainsi, depuis le 19 septembre 2012, existe le décret n°2012-894 portant introduction dans l’enseignement d’une discipline dénommée Technologies de l’information et de la communication en éducation (en abrégé, TICE) et fixant les conditions d’accès aux fonctions de professeur de lycée et collège de TICE.
Ce décret est une des manifestations de la mise en œuvre du projet E-Éducation instituée par les autorités ivoiriennes. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet gouvernemental, plusieurs projets ont vu le jour, tels que l’Initiative de Formation à Distance des Maîtres (IFADEM), SANKORE, Génération Numérique de la Fondation MTN Côte d’Ivoire, etc. À la suite de ce décret, en 2014, à l’ENS d’Abidjan, la promotion 2014-2016 des élèves éducateurs a bénéficié de modules de cours en informatique et TICE (Mian Bi, 2016).
En même temps que les usages de TIC dans l’éducation ivoirienne sont observables dans la volonté politique, ils le sont aussi dans la littérature scientifique. En effet, les écrits s’y rapportant sont nombreux (Bogui, 2007 ; Djedjé, 2007 ; Mian, 2011, 2013 ; Azoh, N’guessan et N’Dédé, 2012). Toutefois, ces écrits abordent plus les usages des TIC dans la profession enseignante (Mian, 2011, 2013 ; Azoh, N’guessan et N’Dédé, 2012) que dans l’administration (Djedjé, 2007, Mian 2013) relevant de la gestion, de la communication avec les différents acteurs de la formation et de l’éducation des élèves.
Pourtant, dans les documents du projet E-Éducation, le gouvernement ivoirien a pour ambition de développer l’usage des TIC pour améliorer la qualité de l’enseignement/ apprentissage mais aussi de l’administration scolaire. C’est à cet effet que notre réflexion se porte sur les enjeux et les perspectives d’usages des TIC par les éducateurs ivoiriens.
Du point de vue des éléments pédagogiques et sociaux, les éducateurs instruisent les adolescents sur des sujets tels que la sexualité, le tabagisme, le VIH/Sida et bien d’autres ; ils les accompagnent aussi dans leur processus d’intégration dans le milieu scolaire qui les accueille. Quant au volet administratif de leur métier, la gestion des dossiers scolaires des élèves est à leur charge ainsi que le suivi de leur scolarité par le contrôle régulier des effectifs et des présences des élèves aux cours.
Les éducateurs sont recrutés par voie de concours direct à partir d’un niveau Bac+2 et suivent deux années de formation à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) d’Abidjan. Une fois en fonction dans les établissements, ils ont pour supérieur hiérarchique direct l’inspecteur d’éducation. Ce qui veut dire qu’au moyen d’un concours professionnel interne, les éducateurs peuvent devenir aussi des inspecteurs d’éducation, après au moins 5 ans d’ancienneté.
Le travail de recherche présenté dans cet article s’appuie sur le courant de la sociologie des usages. Selon Chambat (1994), la théorie des usages s’articule autour de trois points majeurs : la technique, les objets et le quotidien. Les modalités de leurs agencements dégagent trois approches sociologiques que sont la diffusion, l’innovation et l’appropriation.
L’approche diffusionniste s’attache d’une part à savoir comment se diffusent les innovations et qui en sont les adoptants en élaborant des modèles comportementaux et, d’autre part, à mesurer l’impact de leur adoption à travers les changements opérés dans les pratiques.
L’approche de l’innovation s’intéresse à l’étude des processus d’innovation technique, c’est-à-dire au moment particulier de la conception des innovations qui implique des prises de décision et des choix d’ordre technique, social, économique, et politique.
L’approche de l’appropriation situe ses analyses sur le plan de la mise en œuvre ou « mise en usage » des objets techniques dans la vie sociale. Cette approche s’intéresse à la manière par laquelle un individu acquiert, maîtrise et transforme un outil technique pour son propre usage.
C’est aussi ce que Jouët (2000) explique en disant que l’usage social des moyens de communication (médias de masse, nouvelles technologies) repose toujours sur une forme d’appropriation. L’usager construit ses usages selon ses sources d’intérêts. On soulignera que la polyvalence des TIC se prête à des applications multiformes (ludiques, professionnelles, fonctionnelles).
Silverstone (1992) fait une analyse des usages des TIC au sein de la vie quotidienne en quatre phases : l’appropriation, l’objectification, l’incorporation et la conversion. Avec l’appropriation, la technique quitte le monde de la marchandise et l’individu ou le foyer la fait sienne. Il doit acquérir un certain nombre de savoirs et de savoir-faire pour maîtriser l’objet. La nouvelle technique trouve avec l’objectification un emplacement matériel dans l’environnement familier qui lui permet d’être utilisée. Souvent une différentiation spatiale apparaît entre ce qui est individuel ou partagé, adulte ou adolescent, masculin ou féminin. Durant la troisième phase, l’objet technique est utilisé et incorporé dans les routines de la vie quotidienne. Ce processus s’accompagne d’un travail constant de différentiation des autres objets techniques et de particularisation. Enfin la phase de conversion correspond au processus au cours duquel les TIC en usage « établissent des relations nouvelles entre le foyer et le monde extérieur ». Les travaux de Silverstone (1992) indiquent encore la nécessité pour l’usager, de faire corps avec l’objet pour mieux s’en servir.
À partir de ces théories, nous voyons comment les usages des TIC dans la profession d’éducateur exigent des efforts d’appropriation qui peuvent aboutir à la conversion des comportements. La présente recherche vise à mettre en relief les enjeux et les perspectives des usages des TIC dans la profession d’éducateur.
Terrain, population et échantillon
L’échantillon se compose de 13 éducateurs, dont 4 femmes et 9 hommes, issus de 4 établissements de la région de Bondoukou, en Côte d’Ivoire. Ces établissements sont supervisés par la DREN (Direction Régionale de l’Education Nationale) de Bondoukou.
Les tailles des établissements d’enseignement secondaire visités dépendent des localités où ils se trouvent. Par exemple, sur les quatre établissements visités, nous avions un collège en milieu rural, les trois autres établissements (dont un collège et deux lycées) sont en milieu urbain.
Le collège en milieu rural a un effectif d’environ 800 élèves pour un éducateur ; celui qui est en milieu urbain a un effectif d’environ 487 élèves pour 1 éducateur (5 à l’échelle de l’établissement). Les deux lycées ont environ chacun 564 élèves pour 1 éducateur (7 à l’échelle de l’établissement).
Ces chiffres nous permettent d’affirmer que le ratio, qui est normalement de 250 élèves/éducateur, est largement dépassé. Que ce soit en milieu rural ou urbain, le ratio nombre d’élèves/éducateur n’est pas respecté à cause des effectifs pléthoriques dans ces établissements du secondaire public. Malgré ces effectifs importants, les éducateurs participants à notre recherche font toujours des efforts pour assurer le suivi et l’encadrement de tous les élèves, notamment du fait des nombreuses années d’expérience dont ils disposent : entre 6 ans et 8 ans pour certains, entre 25 et même 30 ans d’ancienneté pour d’autres.
Nous avons choisi ces quatre établissements (un en milieu rural et trois en milieu urbain) dans un double objectif : nous imprégner des réalités des usages des TIC dans le travail des éducateurs, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, mais aussi pour nous rendre compte des effets de la politique gouvernementale de modernisation des administrations scolaires, la DREN de Bondoukou est en effet un pôle important de l’éducation nationale ivoirienne.
C’est une DREN qui bénéficie des projets importants du ministère de l’éducation nationale ivoirien, tel que le projet de construction des écoles de proximité visant à rapprocher les établissements des populations. Elle est la principale DREN de Côte d’Ivoire qui bénéficie aussi des grandes campagnes de sensibilisation à propos des grossesses en milieu scolaire (dénommées « campagne zéro grossesse en milieu scolaire »). À cet effet, la DREN occupe une place d’honneur dans les projets visant à aider les jeunes filles élèves à réussir leurs parcours scolaires, car c’est une DREN qui est confrontée au problème de déscolarisation des jeunes filles.
Procédure de collecte des données
La collecte des informations s’est faite à travers des entretiens semi-directifs, sur un intervalle de temps de trois jours. La plupart des entretiens ont eu lieu dans la matinée, ils se sont déroulés en face à face dans les bureaux des éducateurs et ont duré en moyenne 15 minutes. Ces entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone, nous avons réalisé des prises de notes succinctes et quelques photos, pouvant servir de preuves pour appuyer certains de nos propos. Les entretiens se sont déroulés en trois étapes.
Dans un premier temps, il convenait de mettre en confiance le répondant en lui expliquant le déroulement et le motif de l’entretien. Nous lui remettions par la suite une fiche d’entretien à remplir en y inscrivant sa tranche d’âge, les études faites, l’ancienneté dans la profession ainsi qu’une brève description des activités quotidiennes se rapportant à la profession.
La deuxième étape était consacrée au déroulement de l’entretien à proprement parler. Il s’agissait de parcourir les différentes thématiques de notre guide d’entretien, à savoir, « usages des TIC », « communication avec les TIC », « amélioration du travail », avec les personnes interrogées. Il fallait leur demander par exemple s’ils avaient un accès au TIC dans le cadre de leur travail ; si oui ou non, dire quelles étaient les raisons ; savoir s’ils pouvaient bien se servir des TIC ou s’ils avaient bénéficié de formation en informatique. Cette étape demandait beaucoup d’attention pour cerner les divers propos et conduire l’entretien.
La dernière étape était une conclusion. Elle consistait à remercier le répondant tout en lui indiquant la possibilité de s’exprimer sur certains sujets qu’il voudrait développer davantage. Après cette étape, nous prenions des photos et nous mettions fin à la séance de travail.
Méthodes et techniques d’analyse des données
Après avoir retranscrit les données obtenues pendant les entretiens, nous nous sommes intéressés au contenu des différents messages. La technique d’analyse utilisée à cet effet est une approche de type « analyse de contenu » (Van Der Maren, 1995 ; Karsenti et Savoie-Zajc, 2011). Nous nous sommes donc intéressés à l’exploitation de toutes les données issues des entretiens auprès des éducateurs.
Les données que nous avons prises en compte dans cette analyse sont précisément les informations non statistiques, c’est-à-dire les discours, les observations et les opinions. Ces données ont donné lieu à une analyse thématique. Les termes similaires étaient regroupés dans un ensemble et nous avons fait une catégorisation de toutes les données. Par exemple, les mots et expressions pouvant signifier que les éducateurs utilisent ou n’utilisent pas les TIC étaient regroupés dans un ensemble que nous avons nommé : « usages des TIC » ; et ainsi de suite pour les autres thématiques citées plus haut.
Par la suite, ces données groupées ont été confrontées avec nos objectifs (à savoir, montrer les enjeux et les perspectives des usages des TIC dans la profession d’éducateur), ainsi que nos hypothèses qui sont que les usages des TIC contribuent à l’amélioration de la qualité du travail d’éducateur et qu’ils dépendent notamment de la formation.
Conformément à notre objectif, l’analyse de contenu nous a permis d’identifier certains enjeux ainsi que des difficultés liées aux usages de TIC.
Difficultés liées aux usages des TIC
Le constat qui est fait sur le terrain est que l’utilisation des TIC est difficile. Ces difficultés se déclinent en deux niveaux. D’abord, le premier obstacle se définit par un manque d’équipement informatique dans les bureaux des éducateurs. Seulement un établissement (lycée en milieu urbain) sur les quatre visités possède un ordinateur pour sept éducateurs. Cette situation est décriée par les éducateurs de notre échantillon qui voudraient bien avoir des ordinateurs pour une exécution rapide de leurs tâches et développer d’autres stratégies de travail, comme la création de bases de données des élèves, en vue d’un meilleur encadrement.
Voici à cet effet les propos recueillis auprès d’un éducateur qui a plus de huit ans de service : « l’outil informatique est d’une telle nécessité qu’on ne peut pas s’amuser à ne pas l’avoir […]. C’est difficile pour nous de travailler à cette ère de l’informatique puisqu’on n’a pas d’ordinateur […]. Ce que je pourrai formuler à l’endroit de nos responsables, c’est de mettre à notre disposition le matériel informatique ».
Dans les établissements visités, les usages de TIC se présentent comme une nécessité dans le travail des éducateurs : en effet, comme nous l’avons indiqué plus haut, ceux-ci peuvent se retrouver avec des effectifs dépassant 250 élèves par éducateur : l’enregistrement dans un fichier de tous les élèves nouvellement admis dans l’établissement avec, pour chacun, les informations de base nécessaires à l’analyse statistique et à la gestion administrative, soutiendrait l’accompagnement de la vie scolaire. Malheureusement, ces outils sont inexistants. Les différents bureaux que nous avons visités témoignent de ce fait et c’est à juste titre qu’un éducateur dira : « tout est manuel, c’est fastidieux. On a besoin d’ordinateur parce que les écrits s’envolent […] ».
Le second obstacle se réfère à celui de la méconnaissance des TIC ou à un manque de formation. Sept éducateurs sur les treize interrogés nous ont avoué ne pas savoir manipuler l’ordinateur. Ils justifient cela par le fait de n’en avoir jamais eu comme outil de travail au bureau et de n’avoir jamais reçu de formation dans ce domaine. Mais ces éducateurs manifestaient leur volonté d’apprendre à utiliser l’ordinateur si des programmes de formation leur étaient proposés, selon leur statut de fonctionnaire déjà en service.
L’amélioration du travail
Une facilitation du travail avec l’ordinateur ?
Pour ce qui concerne l’usage d’internet, seulement un seul établissement (lycée en milieu urbain) sur les quatre visités possède une connexion internet et un ordinateur portable dédié aux travaux des éducateurs. Deux éducateurs, parmi les sept interrogés dans cet établissement, ont affirmé savoir utiliser l’ordinateur pour faire des traitements de textes, faire des recherches sur internet et envoyer des mails. Mais ceux-ci disent avoir appris cela d’eux-mêmes. L’ordinateur est aussi utilisé pour d’autres tâches telles que l’élaboration des listes de classe et des notes d’information.
Dans cet établissement, l’usage de l’ordinateur et d’internet est important dans le cadre des activités socioéducatives avec les élèves, entre autres, les conférences, les ateliers de formation. En effet, les éducateurs en tant qu’animateurs de la vie scolaire, souhaitent enrichir l’apprentissage des élèves en les instruisant sur des sujets qui correspondent à leur actualité et leur âge. Ainsi les conférences et ateliers de formation sur le VIH/Sida et les méthodes contraceptives sont autant d’activités menées par ces éducateurs. Et pour mieux le faire, les TIC peuvent être utiles pour recueillir des informations, les traiter et les transmettre aux élèves. Parmi les activités mentionnées figure la recherche d’information, généralement sur Google, à travers plusieurs sites pouvant leur fournir les informations dont ils ont besoin et le téléchargement de vidéos sur Youtube, en rapport avec les sujets qu’ils décident de développer avec les élèves.
Illustration 1 : ordinateur portable et connexion internet destinés aux éducateurs dans un établissement de la DREN de Bondoukou
Un gain de temps ?
Pour ce qui concerne les tâches administratives, l’ordinateur sert à la saisie des documents de classes, à la validation des inscriptions en ligne, à la saisie des notes de conduite sur la plateforme ECOLE MEDIA du MEN (Ministère de l’Education Nationale). Voici les propos d’un éducateur à ce sujet : « les TIC nous permettent d’aller très rapidement dans notre travail. Avec les TIC c’est facile ».
Malheureusement, sur les 13 éducateurs interrogés, il n’y a que 2 qui savent se servir d’un ordinateur. Ils les utilisent pour la recherche d’informations sur le web afin d’instruire les élèves sur plusieurs sujets pendant les activités socioéducatives. Et cela est plus avantageux en termes de gain de temps, car il n’existe pas de bibliothèque dans ces établissements.
Facilitation des communications ?
Dans la fonction d’encadrement des éducateurs, le téléphone portable personnel permet d’entrer directement en contact avec les parents d’élèves et d’établir une communication avec eux, pour obtenir des rendez-vous afin de discuter des questions disciplinaires des élèves et faire aussi des rapports sur leur travail en classe. Quatre éducateurs parmi les 13 interrogés ont déclaré faire cela fréquemment quand c’était nécessaire.
Notons que cela ne semble pas occasionner de tension relativement aux frais de communication. En effet, les entreprises de communication en Côte d’Ivoire offrent différents services d’allégement des frais de communication, notamment avec des offres comprenant des services de SMS illimités ou de bonus variés.
Chaque éducateur fait des efforts pour assurer le suivi et l’encadrement des élèves. Voici à ce titre un autre témoignage d’une éducatrice en charge des élèves en classe de 6e : « Il y a des élèves qui sont difficiles. Lorsqu’on leur remet des convocations pour leurs parents, ils ne leur remettent pas. Donc, moi ce que je fais c’est d’appeler directement ces parents-là au téléphone. Sinon je ne peux pas mieux travailler […]. Dans certains cas aussi, quand un élève est malade, je téléphone directement à ses parents pour être sûr que l’information est passée ».
La présente étude visait à mettre en relief les enjeux et les perspectives des usages des TIC dans la profession d’éducateur. Les données recueillies ont permis de constater que les usages des TIC ne sont pas encore généralisés dans les administrations scolaires en Côte d’Ivoire. Les données montrent par exemple que, dans la même localité, alors que certains éducateurs utilisent des ordinateurs, d’autres n’en utilisent pas, faute d’accès.
Cette fracture numérique entre les établissements d’une même localité fait ressortir la problématique de l’équipement des écoles dans la mise en œuvre du projet E-Éducation en Côte d’Ivoire. En effet, même si le décret n°2012-894, du 9 septembre 2012, est un pas important pour l’usage des TIC dans le milieu scolaire, cette volonté politique doit s’appuyer sur des actions concrètes. Pour les éducateurs qui ont participé à cette recherche, l’insuffisance d’équipement apparaît comme une cause importante du non usage des TIC dans leur profession.
En second lieu, les données recueillies indiquent un manque de formation des éducateurs en poste aux TIC. Pourtant, comme l’ont montré les travaux de Ngamo (2007) et Djedje (2007), la formation est primordiale pour un usage efficient des TIC dans l’administration scolaire.
Alors que le gouvernement ivoirien est engagé dans une politique d’intégration des TIC dans son système éducatif, le manque de formation des éducateurs risque de poser un problème pour l’animation de la vie scolaire. Or, les travaux d’Azoh, N’guessan et N’Dédé (2012) ont montré que les élèves font de plus en plus usage des outils numériques au sein mais aussi en dehors des établissements scolaires.
Il est vrai que depuis 2012, l’ENS d’Abidjan a intégré les TICE comme discipline dans la formation des éducateurs, mais les éducateurs déjà en poste ne bénéficient d’aucune action de formation continue initiée par l’administration scolaire. Même si des initiatives personnelles de formation continue sont à louer de la part des éducateurs en poste, celles-ci ne pourraient combler le besoin actuel en formation.
En effet, comme l’ont montré nos résultats, sept éducateurs sur treize interrogés nous ont avoué ne pas savoir manipuler l’ordinateur. Cela se justifie par le fait que ces derniers n’ont jamais eu d’ordinateur comme outil de travail au bureau et de n’avoir jamais reçu de formation dans le domaine des TICE. Mais ces éducateurs manifestaient tout de même leur volonté d’apprendre à utiliser l’ordinateur si des programmes de formation leur étaient proposés, selon leur statut de fonctionnaire déjà en service.
L’objectif de cette étude était de présenter les enjeux et les perspectives que peuvent revêtir les TIC dans la profession des éducateurs. L’analyse des données de la présente étude montre que, par manque d’équipements et de formation, l’usage de ces technologies n’est pas encore effectif dans tous les établissements. Toutefois, certains éducateurs arrivent à se servir des TIC quand d’autres affirment leur volonté de s’en servir. Cela montre qu’il existe un engouement de la part de ces éducateurs.
Reste maintenant une volonté politique plus prononcée par des actions concrètes, notamment par l’équipement des bureaux des éducateurs et le développement de la formation initiale et continue des personnels. Ainsi, la formation des éducateurs aux usages des TIC à l’ENS d’Abidjan, et ce, depuis la promotion 2014-2016 est une initiative prometteuse car répondant à un souci de performance de ces professionnels de l’encadrement.
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