Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

L’enseignement des technologies de l’information et de la communication au cycle 4 de l’école fondamentale au Burundi

Etat des lieux, défis et perspectives

Pour citer cet article :

Barahinduka, Étienne ; Nijimbere, Claver ; Nakimana, Agnès et Nineza, Claire (2021). L’enseignement des technologies de l’information et de la communication au cycle 4 de l’école fondamentale au Burundi : Etat des lieux, défis et perspectives. Revue Adjectif, 2021 T2. Mis en ligne [En ligne] http://www.adjectif.net/spip.php?article558

Résumé :

La présente contribution s’intéresse à l’enseignement des technologies de l’information et de la communication (TIC) au cycle 4 de l’école fondamentale au Burundi. Cet enseignement est fait à travers le domaine des sciences et technologies, classiquement confié aux enseignants qui n’ont pas de formation en informatique. L’objectif de la présente étude est de questionner l’enseignement/apprentissage de l’informatique à l’école fondamentale. Cette recherche exploratoire privilégie une méthode qualitative au moyen d’une enquête sous forme d’entretiens qui ont été menés auprès de sept enseignants. Les principaux résultats révèlent des difficultés liées au manque de formation à l’informatique chez les enseignants, aux équipements insuffisants et aux classes pléthoriques rendant difficile l’encadrement des élèves. Pour remédier à cette situation et offrir aux élèves une initiation aux TIC, une formation des enseignants en informatique, la construction de nouvelles salles de classes ainsi qu’un minimum d’équipements s’imposent de façon urgente.

Mots clés :

Burundi, École fondamentale, TICE, Formation initiale et continue, Enseignants, Enseignement/apprentissages

1. Contexte burundais sur l’enseignement de l’informatique

Au Burundi, peu de recherches sont menées au sujet de la place des TIC en éducation et de la didactique de l’informatique. Ndikuriyo et Voulgre (2018) se sont intéressés à l’enseignement de l’informatique à l’école fondamentale du Burundi [1]. Ils ont cherché en particulier à comprendre l’accompagnement mis en place pour les enseignants, les ressources et le matériel informatique mis à leur disposition pour faire cours et la place occupée par les notions d’éducation aux médias et de pensée informatique dans les nouveaux programmes induits par cette réforme.

L’enseignement de l’informatique a été organisé dans les écoles techniques depuis les années 2000 et l’approche objet de l’informatique a été privilégiée (Nijimbere (2012). C’est avec la réforme qui a conduit à l’introduction de l’école fondamentale (ECOFO) avec l’année scolaire 2013-2014 que l’informatique a été prise en compte. Elle n’est pas enseignée en tant que discipline scolaire à part entière mais dans le domaine des « sciences et technologies », un des six domaines disciplinaires institutionnalisés depuis cette réforme, à savoir : les mathématiques et sciences exactes, les langues, les sciences et technologies, les sciences sociales et humaines, les arts et l’entrepreneuriat.

Dans ce domaine, le programme des TIC est une « Initiation à l’Informatique » répartie dans trois classes du cycle 4 de l’ECOFO, comme suit (Ndikuriyo et Voulgre ; 2016, p. 2) :

  • 7e année : l’ordinateur et ses périphériques, fonctionnement de l’ordinateur.
  • 8e année : les constituants d’un ordinateur de bureau, raccordement du PC et de ses périphériques, les propriétés et les caractéristiques d’un dossier ou d’un fichier, comment lire et utiliser un fichier audio, l’arborescence, mise en forme d’un tableau dans un document texte, insertion d’images, mise en page et impression d’un document Word.
  • 9e année : comment ouvrir et fermer une application Excel, description d’une fenêtre Microsoft Excel, comment créer un document et saisir les données, comment trier les données d’un tableau, opérations arithmétiques simples, les fonctions Excel, mise en page et impression d’un document ms Excel, comment créer des graphiques à partir d’un tableau de données en Excel, le courrier électronique ou courriel.

L’enseignement de ce programme est confié aux enseignants de ce domaine des sciences et technologie, lesquels ont pour la plupart une spécialité dans une des disciplines scientifiques ou un binôme qui composent le domaine (physique, technologie, chimie, biologie, etc.). Parmi eux, il n’y a pas de spécialistes de la discipline informatique et encore moins de son enseignement. C’est d’ailleurs cette nécessité d’enseignants qualifiés dans l’enseignement de l’informatique qui a motivé l’École Normale Supérieure (ENS) de Bujumbura à mettre en place la filière de génie informatique depuis l’année académique 2018-2019.

2. Mise en perspective de la recherche

2.1 Travaux précédents sur les TIC et leurs usages en éducation

Le rapport du Centre de recherche en didactique et diffusion des sciences relatif à l’usage des TIC dans l’enseignement des sciences (biologie, chimie et physique) et l’appui pédagogique au Burundi (CRDS, 2017), effectué dans le cadre d’un projet financé par l’UNESCO, montrent que le niveau des enseignants en informatique reste faible. Selon ce Centre de recherche, les TIC ne sont pas utilisées dans l’enseignement des sciences alors que ces dernières peuvent contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement des sciences au Burundi et surtout à pallier quelques problèmes déjà identifiés. Selon ce Centre, l’enseignement des sciences au Burundi souffre de pas mal de problèmes : manque de maison pour approvisionner les écoles en matériel didactique, les enseignants non formés à la démarche scientifique, laboratoires quasi inexistants ou non équipés là où ils existent.

La recherche de Barahinduka, Ndayizeye, Ndovori et Ndikuriyo (2019) porte sur l’usage des TIC par les enseignants et les inspecteurs dans les activités d’enseignement et de supervision. Ndovori, Voulgre, Barahinduka et Baron (2016) se sont intéressés aux usages des TICE par les lauréats de l’ENS de Bujumbura. Ils ont focalisé leur étude sur comment, les TIC sont enseignées à l’ENS de Bujumbura, comment les étudiants construisent leurs apprentissages des TIC durant leur formation, mais aussi comment les lauréats envisagent de les utiliser dans leurs futures pratiques d’enseignement et de supervision pédagogique.

De ce qui précède, il s’observe que peu de recherches portent sur les pratiques pédagogiques des enseignants, alors qu’elles sont les seules à même de renseigner sur l’état de mise en œuvre des programmes de TIC, récemment introduits dans la scolarité générale de l’ECOFO.

2.2 Formation des enseignants en Technologies de l’Information et de la Communication

Les enseignants reconnaissent leurs difficultés et leurs limites sur certains usages. La formation technique est jugée nécessaire et le terme informatique est évoqué. Ce qui ressort, c’est un sentiment de bricolage et de débrouillardise et que l’appropriation se fait dans l’urgence, en contexte. Dans notre échantillon, 5 des 37 répondants ont dit avoir suivi une formation initiale en informatique et 31 avoir étudié l’informatique pendant leurs études universitaires (Ndikuriyo et Voulgre, 2018). Ils déclarent avoir entendu parler des TIC (lors de l’initiation à l’informatique et à l’Internet) et avoir moins entendu parler des TIC à la radio dans la mesure où les piles radio coûtent cher et le problème de capter la fréquence radio dans les zones éloignées de l’antenne est fréquent (Barahinduka, Ndayizeye, Ndovori et Ndikuriyo, 2019).

2.3 Installations et outils liés aux TIC

Tous les enseignants initiés à l’informatique et à l’internet lors des groupements dans les espaces numériques IFADEM affirment ne pas utiliser les acquis de la formation à cause de la non-disponibilité des ordinateurs dans les écoles et même chez eux. De plus, les enseignants initiés aux 3i déclarent avoir accès à l’Internet plus au centre multimédia de l’IFADEM que leurs collègues non initiés, parce que cette initiation permet aux initiés d’aller pratiquer ce qu’ils ont appris dans les cybers de la localité (Barahinduka et al., 2019).

2.3.1 Utilisation des TIC dans les missions d’enseignement

Les enseignants utilisent des ordinateurs pour créer leurs propres documents ou pour leurs élèves, communiquer avec leurs collègues par E-mail, transmettre des documents par messagerie, se former sur Internet et naviguer sur les réseaux sociaux. Ils utilisent les ordinateurs de bureau de l’école pour des séances de démonstration, pendant les leçons d’initiation à l’informatique.

Les leçons d’informatique sont insérées dans le domaine des Sciences et Technologies (Biologie, Physique, Chimie et Technologie). La plupart des répondants qui n’ont pas de matériel informatique disent qu’ils ne se précipitent pas pour aborder les leçons en rapport avec l’informatique. Deux enseignants avouent qu’ils ne dispensent pas le cours des TIC, par manque de connaissances suffisantes en informatique ou parce qu’ils pensent avoir oublié les notions apprises sur le banc de l’école, par manque de manipulations suivies. Dans ces écoles qui n’ont pas d’ordinateurs, la matière est enseignée de façon théorique.

Là où il y a une salle informatique, les élèves font des travaux pratiques mais l’effectif élevé par classe reste problématique, puisque les enseignants sont obligés de répartir les élèves en plusieurs groupes. Ceux qui ont des ordinateurs portables disent qu’une petite illustration peut se faire par l’utilisation d’un flash modem en se connectant à l’Internet, en vue de chercher des images ou des vidéos en rapport avec la matière à enseigner. Deux enseignants de la mairie de Bujumbura ont mentionné que leurs écoles louent les services des cybers environnants pour quelques séances de démonstration aux élèves. Les écoles qui sont proches des espaces numériques IFADEM ont organisé des réaménagements de l’horaire de manière à réserver quelques heures d’informatique chaque trimestre, surtout durant les après-midi et les week-ends (Ndikuriyo et Voulgre, 2018).

Les enseignants initiés aux 3i déclarent être moins capables de traiter ou de travailler avec des documents écrits dans Word, Excel et Powerpoint que leurs collègues non-initiés, ce qui est probablement dû au fait qu’ils se rendent mieux compte de leurs lacunes.

Les enseignants initiés aux 3i privilégient l’utilisation des moteurs de recherche, envoient et reçoivent des messages par E-mail. Ils déclarent utiliser plus les TIC dans leurs pratiques professionnelles que leurs collègues non bénéficiaires. Ils évoquent également la non-maîtrise des outils informatiques, et justifient ce fait par le manque de pratique fréquente. Ceci est dû au fait qu’ils vivent et travaillent dans un milieu où les ordinateurs font défaut, comparativement à la période des regroupements IFADEM.

Les enseignants initiés utilisent dans les mêmes proportions le téléphone que les non initiés. En effet, les enseignants initiés aux 3i n’ont pas nécessairement un pouvoir d’achat supérieur à celui de leurs collègues non formés. Au niveau de l’Internet, l’effet est positif chez les enseignants initiés et non-initiés en cherchant l’information sur Internet (Barahinduka, Ndayizeye, Ndovori et Ndikuriyo, 2019).

3. Questions de recherche

L’objectif général de la présente recherche a été de questionner l’enseignement/apprentissage de l’informatique au cycle 4 de l’ECOFO au Burundi. Il est opérationnalisé par quatre questions spécifiques de recherche, à savoir : Quelles compétences des enseignants pour l’enseignement de l’informatique au cycle 4 de l’ECOFO ? Quelles sont les ressources disponibles pour soutenir un enseignement de l’informatique ? Comment se déroule la pratique-classe lors de l’enseignement/apprentissage de l’informatique ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’enseignement/apprentissage de l’informatique ?

4. Considérations de méthode

Pour trouver des réponses à tout ce questionnement, une approche contrastive en ce qui concerne les pratiques en informatique des enseignants à l’école fondamentale au cycle 4 a été adoptée. Une méthodologie qualitative, avec un guide d’entretien, a été utilisée : l’analyse des déclarations des enseignants d’informatique qui interviennent dans les trois classes du cycle 4 de l’École fondamentale, à savoir la 7e, la 8e et la 9e, récoltées au moyen des entretiens semi-directifs. La recherche a suivi une entrée par le recueil des déclarations des pratiques des enseignants.

Cinq étapes essentielles ont été suivies : (1) l’exploitation documentaire pour rédiger le contexte, la problématique, les objectifs et les questions spécifiques de recherche ; (2) l’identification de la Direction Communales de l’Éducation, de la Formation Technique et Professionnelle (DCEFTP) et des écoles fondamentales ; (3) l’élaboration du canevas d’entretien ; (4) la collecte des données et (5) l’analyse des données collectées et l’interprétation des résultats.

La présente étude a couvert cinq établissements de l’enseignement fondamental. Les écoles constituant l’échantillon ont été choisies sur la base de leur emplacement et de leur statut (public ou privé). Les trois écoles publiques sont : Lycée Municipal Gihosha, Ecole d’excellence Ngagara et Ecole Fondamentale Gikungu. Les deux écoles privées sont : Lycée Saint Gabriel et Ecole La Colombière. Il est important de signaler qu’un seul enseignant donne le cours des TIC dans les trois classes, excepté au Lycée Municipal de Gihosha où un seul enseignant est titulaire d’une seule classe, en tant qu’enseignant du domaine « Sciences et technologies » dans lequel est inclus le cours des TIC. Un guide d’entretien est élaboré afin de recueillir le plus d’informations possibles. Les données collectées sont analysées en utilisant la méthode qualitative, par une étude de cas approfondie.

Sur les 7 enseignants, 4 sont des femmes et 3 des hommes. Leur âge varie de 30 à 50 ans et leur ancienneté dans l’enseignement va de 3 à 34 ans tandis que leur expérience dans l’enseignement du cours d’informatique varie de 2 à 6 ans. Les classes dans lesquelles est enseigné le cours d’informatique sont la 7e, la 8e et la 9e année de l’école fondamentale, ainsi que la 1re Economique, la 2e Mathématique-Physique, la 1re Biologie-Chimie et la 2e Biologie-Chimie au post-fondamental. Les effectifs par classe varient de 24 à 104 élèves, les effectifs d’élèves par classe les plus bas s’observant dans les écoles privées. En plus des TICE, ces enseignants dispensent les cours des sciences (Biologie, Chimie, Physique, Sciences de la Vie et de la Terre, Mathématiques, Technologie et Arts plastiques) dans les classes de la 7e, la 8e et la 9e année de l’école fondamentale.

5. Résultats

5.1 Formation initiale et continue

4 enseignants disent avoir le niveau licence dont 2 en informatique : (e6) « le diplôme de licence en informatique de gestion », (e7) « le diplôme de licence obtenu à l’Université du Lac Tanganyika en génie logiciel ». Un seul a eu une formation sur les notions de base en informatique : (e3) « j’ai eu des notions de base à l’Université HOPE  ». Néanmoins aucun n’a eu de formation ni initiale ni continue en didactique de l’informatique. Un seul parmi les 7 enseignants a eu une formation en cours d’emploi en informatique (e4) « c’était sur les logiciels Word, Excel et Powerpoint  ».

5.2 Infrastructures et matériels didactiques

Dans les écoles faisant l’objet de notre recherche, une seule école publique d’excellence dispose d’une salle informatique avec dix ordinateurs (e4) « nous avons dix ordinateurs de bureau ». Pour les autres écoles, le nombre d’ordinateurs, y compris celui de la direction, varie de 1 à 3. Les enseignants titulaires du cours des TIC, dans deux écoles (La Colombière et Ngagara), ont un ordinateur portable (laptop) personnel. Aucune école ne dispose d’un scanner, d’une caméra web, d’un microphone, d’un disque dur externe, d’un haut-parleur et d’un vidéoprojecteur. Deux écoles (Lycée municipal Gihosha et Lycée Saint Gabriel) ont une imprimante. 4 enseignants titulaires déclarent posséder des CD, des DVD ou des clés USB. La connexion Internet est seulement disponible à l’école d’excellence de Ngagara. Le manuel de l’élève est partagé entre 1 et 4 élèves. Le guide de l’enseignant est partout disponible.

5.3 Enseignement/apprentissage de l’informatique

Pour préparer une leçon d’informatique, les enseignants révèlent qu’ils utilisent seulement le guide de l’enseignant et ou le manuel de l’élève (e3) « en préparant nos leçons nous utilisons le livre du maître et celui de l’élève ». Ils déclarent n’utiliser aucune autre documentation.

Au niveau de l’organisation de la classe en cours d’informatique, ceux qui n’ont pas de matériel didactique enseignent uniquement la théorie (e5) « je leur demande de revoir la matière à chaque fois que je termine ma leçon  », tandis que ceux qui ont des ordinateurs font des travaux en groupe sur machines (e4) « par exemple sur Word, je leur demande de taper un texte et puis alors on étudie à partir de ce texte s’il y a des modifications. Pour Excel, je peux leur proposer de faire des tableaux et puis alors on fait le travail […] Nous avons encore un problème avec Powerpoint puisque nous n’avons pas de rétroprojecteur. Avec Internet je leur propose de faire une recherche et puis j’évalue si l’élève est capable de faire une recherche ».

Ceux qui enseignent seulement la théorie ne proposent bien entendu pas de tâches instrumentées. Les autres enseignants font des séances d’initiation aux logiciels Word et Excel (le traitement de texte et l’enregistrement). L’enseignant de l’Ecole La Colombière propose aussi la présentation sur Powerpoint et des recherches sur Internet (e7) « les tâches que je confie aux élèves pour Word et Excel, c’est la saisie ainsi que l’enregistrement. Tandis que pour Powerpoint, je fais la présentation et pour Internet c’est une série de recherches ». Le critère de choix d’une tâche est son intérêt/utilité en fonction de la leçon.

Les titulaires du cours des TIC suscitent les interactions entre l’enseignant et les élèves par des échanges question-réponse (e3) « quand on enseigne on pose des questions et les élèves répondent ». En plus, ils suscitent des interactions entre les élèves par des travaux en groupe (e7) « on les met dans les groupes ». Certains enseignants disent ne donner aucune tâche en dehors de la classe alors que les autres demandent aux élèves de faire des recherches les après-midi dans les cybers et sur les ordinateurs à la maison (e3)

« comme ici à l’école nous n’avons pas de machines, je leur donne des exercices à faire à la maison puisque la plupart des élèves disent qu’ils ont des machines à la maison. Ceux qui n’en ont pas je leur dis d’aller dans les cybers ».

Le titulaire du cours des TIC à l’école d’excellence à Ngagara déclare demander à ses élèves de faire des recherches sur Internet à lui envoyer par E-mail « Oui il ya des devoirs à domicile ou des travaux. Je leur demande de les faire et de me les envoyer par Internet par E-mail ».

Le degré de motivation des élèves en séance d’informatique par rapport à d’autres séances est apprécié « très motivé » par quatre enseignants, « motivé » par deux, et un seul a dit que la motivation est la même. Ils justifient cette motivation par le fait que, en séance d’informatique, il n’y a pas de bruit, ils sont calmes, captivés et curieux, et que c’est une séance d’actualité (e6)

« les TICE est un cours qu’ils aiment beaucoup. Ils sont très motivés. Avec les effectifs très élevés, c’est bien entendu qu’il ya des dérangements mais quand il s’agit du cours des TICE, pas de bruit, ils sont calmes et curieux de voir ce qu’ils vont faire. En d’autres termes, ils aiment beaucoup le cours même si on ne fait pas les travaux pratiques, ils me demandent, Madame, vous avez oublié les TP », (e7) « cette séance intéresse beaucoup les élèves car c’est une séance d’actualité ».

Ils déclarent encourager le travail des élèves en informatique en leur disant de faire un effort s’ils trouvent un ordinateur, d’aller dans des cybers où il y a des machines en vue d’aller au-delà des images des livres. Ils déclarent aussi féliciter un élève qui donne une réponse correcte (e3) « j’encourage les élèves à travailler sur machine chez eux ou dans les cybers ».

Quatre enseignants déclarent collaborer soit avec leurs collègues, soit avec le préfet des études (e2)

« comme le cours des TICE nous semble nouveau, il ya des moments où nous tirons des informations auprès des autres professeurs », (e4) « oui, ici je collabore avec le préfet des études puisqu’il est informaticien de formation ».

Les trois autres enseignants déclarent être individuels car la matière ne leur semble pas difficile pour solliciter l’aide des autres (e6) « moi, je ne collabore pas avec d’autres enseignants parce que je n’ai pas encore rencontré de problème en rapport avec la matière que j’enseigne ».

D’après nos informateurs, les facteurs ayant un impact sur les pratiques des élèves en informatique sont : le manque de matériel (e2)

« c’est le manque d’ordinateurs bien sûr », (e5) « c’est surtout le matériel didactique. Si le matériel didactique fait défaut il n’y a pas moyen de donner le cours comme il faut », l’origine sociale (e3) « même si on a dit qu’on a des élèves de la ville, il y a aussi ceux de la campagne qui n’arrivent pas à trouver des machines. Donc il nous faut des machines de l’école pour que ceux de la campagne puissent en profiter » et l’absence de formation des enseignants (e1) « le domaine de formation de l’enseignant et le niveau en maths », (e6) « les impacts négatifs je pense que c’est le manque de formation des professeurs qui donnent ce cours et aussi le manque de matériel ».

5.4 Évaluation de la leçon d’informatique

Tous les enseignants interviewés disent évaluer le travail des élèves en informatique sous forme théorique (e1) « c’est difficile car le cours est théorique et il est dispensé à la fin de l’année  », (e2) « il y a des questions ouvertes et savoir distinguer ou citer  », (e3) « je mets le dessin provenant du livre de l’élève au tableau et les élèves vont compléter  », (e5) « les questions proviennent de la matière enseignée  ». L’enseignant à l’école d’excellence de Ngagara dit que l’évaluation à l’école fondamentale est partout théorique. Bien qu’il a du matériel, il déclare donner la théorie (des questions ouvertes et à choix multiple) (e7) « je donne des questions ouvertes et fermées. Mais il n’y a pas de questions pratiques  ».

Comme le cours est théorique, les erreurs d’orthographe sont les plus fréquentes (e1) « comme pour les autres cours ce sont des erreurs d’orthographe  ». Il y a un enseignant qui signale l’oubli soit d’enregistrer, soit de nommer des fichiers lors des travaux sur machine (e6) « l’oubli d’enregistrement d’un document créé et aussi la nomination d’un document qu’il a créé ». Pour y remédier, certains enseignants signalent soit refaire la matière (e3) « j’explique encore une fois pour qu’ils comprennent davantage », soit donner beaucoup d’exercices (e6) « pour la remédiation, ça demande beaucoup d’exercices, beaucoup de pratiques. On va chaque fois nommer et enregistrer ».

5.5 Difficultés de l’enseignement et de l’évaluation de l’informatique

Dans l’enseignement de l’informatique, les enseignants signalent des thèmes moins détaillés (e6) « les difficultés que nous rencontrons dans le cours d’informatique c’est que les thèmes ne sont pas bien détaillés », des élèves qui n’avancent pas au même rythme et le manque de matériel didactique (e4) « Le rythme des élèves. Il y a des élèves mêmes avant de venir ici pouvaient utiliser la machine facilement et d’autres qui n’ont jamais utilisé la machine », le manque de matériel didactique, ce qui fait que c’est impossible de relier la théorie à la pratique (e3) « les difficultés sont que nous ne pouvons pas trouver la machine et pas même de laptop. Nous utilisons seulement les manuels » ainsi que des effectifs élevés d’élèves et des séances trop courtes (e6) « les difficultés qu’on rencontre, il y a d’abord l’effectif car dans 45 minutes parcourir les 40 élèves et voir ce qu’ils ont fait ce n’est pas possible. Aussi il y a manque de matériel ».

En ce qui concerne l’évaluation du cours d’informatique, les enseignants signalent aussi des effectifs élevés d’élèves et le manque d’ordinateurs pour la révision (e6) :

« c’est toujours l’effectif. Avec cet effectif on est obligé de les grouper et on ne peut pas savoir la compétence individuelle. On les groupe aussi parce qu’il y a manque de matériel et on court avec le timing », (e7) « les difficultés sont causées au fait du manque d’ordinateurs que ce soit à la maison ainsi qu’à l’école pour faire des révisions ».

Les enseignants interrogés suggèrent que le programme actuel soit bien détaillé (e7) « que les programmes soient bien détaillés  », qu’il y ait une formation initiale des enseignants en TIC (e2) :

« comme il n’y a pas de formation des enseignants en TIC, nous ne sommes pas doués en la matière. Il faut que le gouvernement forme les enseignants du cours de TIC ou qu’il donne une formation de quelques jours aux enseignants qui dispensent ce cours » et que les écoles soient équipées en matériel didactique suffisant (e5) « moi je suggérerai au gouvernement d’acheter le matériel sinon d’autoriser à chaque école d’en acheter ».

6. Discussion, conclusion et perspectives

Le Burundi est un pays aux ressources informatiques limitées. Cette recherche, malgré son échantillon très limité, montre que les enseignants d’informatique dans le domaine des « sciences et technologies » au cycle 4 de l’école fondamentale n’ont pas eu de formation en didactique de l’informatique. Aucune école ne dispose d’un vidéoprojecteur. Les enseignants préparent leurs leçons à partir du guide de l’enseignant et du manuel de l’élève. Les difficultés rencontrées dans l’enseignement et l’évaluation de l’informatique semblent liées à l’absence des formations chez les enseignants, le manque de matériel didactique ainsi que des classes pleines à claquer. Ces conditions difficiles qui caractérisent l’enseignement de l’informatique au Burundi ont été déjà révélées par d’autres études au Burundi (Ndikuriyo et Voulgre, 2018 ; Barahinduka, Ndayizeye, Ndovori et Ndikuriyo, 2019).

Malgré le pas déjà franchi avec l’introduction de l’enseignement de l’informatique dans la scolarité obligatoire au Burundi, des efforts sont encore nécessaires pour améliorer la qualité de cet enseignement. La présente recherche exploratoire révèle qu’il est nécessaire d’agir sur la formation initiale et continue des enseignants et sur l’équipement des écoles pour donner une formation de qualité en TIC. Il y a aussi moyen de donner une formation complémentaire accélérée de six mois en didactique de l’informatique à ceux qui ont une formation initiale en génie logiciel, en informatique de gestion, etc. De plus, Il y a moyen de s’inspirer de l’expérience du tutorat IFADEM au Burundi, au niveau de l’accompagnement des enseignants des TIC par des directeurs et préfets des études lors des séminaires et des journées pédagogiques.

Une solution pérenne et efficace pour la réussite de l’enseignement/apprentissage de l’informatique à l’ECOFO semble la formation initiale des enseignants en informatique. Cette dernière est déjà à ses débuts à l’École Normale Supérieure de Bujumbura, ce qui donne espoir pour cet enseignement.

Etant donné que les déclarations des enseignants ne rendent vraiment pas compte de ce qu’est la situation réelle de cet enseignement en classe dans ce contexte d’équipement précaire et de manque de formation des enseignants, des études approfondies portant sur les pratiques réelles de classes en informatique des enseignants du domaine des sciences et technologies d’une part, mais aussi des élèves d’autre part, s’avèrent nécessaires pour bien rendre compte de l’état réel de la qualité de l’enseignement/apprentissage de l’informatique au Burundi.

Remerciements. Nous remercions Georges-Louis Baron et Emmanuelle Voulgre pour leurs critiques constructives sur des versions précédentes du présent article.

7. Références

Banuza A., Nijimbere, C., et Ndikuryayo, F. (2016). De l’espace numérique à sa pédagogisation  : comment améliorer la qualité de l’enseignement des sciences au lycée Cibitoke  ? Adjectif.net [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article417

Barahinduka, E., Ndayizeye, J., Ndovori, R. et Ndikuriyo, E. (2019). « Usage des TIC par les enseignants et les inspecteurs dans les activités d’enseignement et de supervision ». L’Analyste topique n°12, 60-72. [En ligne] sur http://revues.ulpgl.net/index.php/analyste/issue/view/1

CRDS (2017). Usage des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement des sciences et l’appui pédagogique au Burundi. Rapport

Karsenti, T., Raby, C., Villeneuve, S. et Cauthier, C. (2007). La formation des maîtres et la manifestation de la compétence professionnelle à intégrer les technologies de l’information et de la communication (TIC) aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage et de développement professionnel. Montréal : Université de Montréal. [En ligne]. Consulté le 13 octobre 2019 sur https://scholar.google.fr

Ndikuriyo, E. et Voulgre ; E. (2016). Quels accompagnements pour l’enseignement de l’informatique à l’École Fondamentale du Burundi ? Adjectif.net [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article394

Ndikuriyo, E. et Voulgre, E. (2018). « Quels accompagnements pour l’enseignement de l’informatique à l’école fondamentale au Burundi » ? Adjectif.net. [En ligne] sur http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article455

Ndovori, R., Voulgre, E., Barahinduka, E. et Baron, G.-L. (2016). Les usages des TICE par les lauréats de l’ENS de Bujumbura. Adjectif.net [En ligne]. Mis en ligne le 05 août 2016. URL : http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article404&lang=fr

Nijimbere, C. (2012). Informatique et enseignement au Burundi, quelles réalités ? Adjectif.net [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article105

Villemonteix, F. et Béziat, J. (2013). « Le tableau numérique interactif à l’école primaire : entre contraintes et engagement ». Sticef, 20, 1-27. [En ligne]. Consulté le 13 octobre 2019 sur https://scholar.google.fr.

Zablot, S. Combemorel-Pauty, C., Baron, Georges-Louis. TICE et formation des enseignants du primaire en Afrique subsaharienne. [Rapport de recherche] Université Paris Descartes, Laboratoire EDA. 2014. edutice-01107666.

[1Au Burundi l’école fondamentale dure 9 ans. C’est-à-dire l’ancienne école primaire de 6 ans (constituant les trois premiers cycles de 2 ans chacun) qui a été prolongée de 3 trois premières années du collègue, à savoir la 7ème, la 8ème et la 9ème année (constituant le 4ème cycle ).


 

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