Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Les TICE au service de l’éducation thérapeutique du patient

lundi 28 avril 2014.


par Ghislaine Lisle

Les applications des technologies de l’information et de la communication en éducation sont souvent pensées dans le cadre des apprentissages scolaires ou de la formation continue des adultes. Découvrons leur utilisation en éducation thérapeutique du patient (ETP), définie par l’O.M.S. (1998) comme « un processus interactif permanent du patient avec le soignant mais centré sur le patient, visant à comprendre sa maladie, le traitement prescrit, et les soins prodigués afin de l’aider à vivre plus adéquatement » (Boutinet, 2013) sa maladie chronique, éviter les complications qui lui sont liées et ce à tous les âges de la vie.

Comment les technologies de l’information et de la communication en éducation peuvent-elles prendre place dans ce nouveau rapport entre patient et soignant, entre le patient et sa maladie et entre la population générale et son rapport à la santé ?

D’après Jean-Pierre Boutinet dans « Enjeux et perspectives autour de l’éducation thérapeutique du patient » (2013), l’ETP est en « forte émergence » et « représente un champ nouveau de la formation des adultes » du fait de l’apparition, principalement chez une population vieillissante, de maladies chroniques (p. 83). Selon lui, l’éducation thérapeutique du patient répond à un triple enjeu. Économique puisque ces pathologies et surtout leurs complications affectent le budget santé de la nation. Psychologique car elles bouleversent la vie quotidienne et « l’univers mental » des personnes atteintes. Enfin, sociopolitique parce que les patients, sommés d’acquérir une autonomie dans la gestion de leur santé, ont également des attentes nouvelles : devenant acteurs de leur qualité de vie, ils imposent aux soignants une autre posture marquée par le deuil du pouvoir de guérir, l’obligation de « croiser le soin et l’éducation », la reconnaissance d’un certain savoir propre de l’expérience du patient, la reconnaissance de l’intérêt des groupes de pairs (p. 87).

En définitive, l’émergence d’une « démocratie sanitaire » où il faudra trouver un équilibre subtil entre les différents acteurs : le patient et son (ses) soignant(s) référent(s) (p. 92).

L’offre en matière d’éducation thérapeutique du patient se présente classiquement par des actions d’information, individuelles ou en groupe, animées par un professionnel de santé ou par la distribution de plaquettes informatives. Il existe également des initiatives originales utilisant les technologies de l’information et de la communication comme celles exposées sur la vidéo de l’atelier « FORMATICsanté » lors de l’université d’été de l’e-santé à Castres en juillet 2013.

Destinés aux patients diabétiques, les logiciels proposés par l’Équipe du Service Maladies Métaboliques et Nutrition au CHU de Toulouse et présentés par S. Schirr-Bonnans et M. Burgevin sont à visées pédagogiques. Ils répondent aux besoins de conseils en nutrition et pratiques d’activités physiques adaptées. L’intérêt par rapport à l’ETP en présentiel est la permanence de l’accès aux conseils, la facilité d’accès grâce aux (futures) applications sur tablette numérique ou smartphone, les possibilités d’adjoindre des capteurs biomédicaux dont les renseignements sont disponibles pour le patient (adaptation de son traitement, source de motivation) et transmis aux soignants, autant de paramètres objectifs qui vont permettre d’adapter la prise en charge médicale. Ces dispositifs impliquent que les patients soient en mesure d’utiliser les outils informatiques et aient une connexion internet. Les initiateurs du projet cherchent des financements pour développer ce protocole (0h50).

Éric Beauvois, Président de l’Association IKARE (Inhalothérapie, Kinésithérapie respiratoire Association pour la Recherche et l’Enseignement) présentait « MUCO-Play » destiné aux porteurs de la mucoviscidose (maladie génétique), à leurs proches et aux professionnels de santé. C’est un « serious game » plusieurs fois primé ; les initiateurs sont des professionnels de santé et des patients, responsables du contenu, qui se sont ensuite tournés vers une société de production de jeux vidéo, un éditeur et un hébergeur adapté au multi-support. L’adaptation du projet pédagogique aux exigences de la rationalité informatique ne s’est pas fait sans difficultés. Les principaux atouts sont : l’accès gratuit à la plateforme « H24 » (par la cité de la santé), le rythme d’apprentissage personnalisé et confidentiel, moins risqué sur le plan de l’hygiène que l’ETP en présentiel et « économe en formateurs ». En juillet 2013, « MUCO play » contient deux modules : hygiène et nutrition. Chaque module propose différents niveaux : enfants, ados, adultes et professionnels. Pour E. Beauvois, le but est de « donner de la vie aux années supplémentaires données par la médecine ». Des développements sont à l’étude pour l’adaptation à d’autres maladies aux symptômes proches et en d’autres langues (0h42).

René Mazars, représentant l’AFP et le Collectif Inter Associatif Sur la Santé CISS Midi-Pyrénées, est intervenu pour modérer l’engouement pour les TICE dans l’ETP, en rappelant que la demande première des patients est l’écoute que ne pourra jamais offrir un logiciel. Il sait aussi que tous n’ont pas les connaissances, capacités et moyens d’utiliser les outils informatiques. Enfin il craint pour la sécurisation des données personnelles de patient (1h16).

Il existe aussi d’autres initiatives simples et efficaces des TICE en éducation thérapeutique du patient comme celle découverte sur le site du centre hospitalier universitaire de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille où « l’utilisation du SMS, pour rappeler aux patients qu’ils doivent prendre leur traitement, a vu le jour dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique ». « Cette initiative unique en France déployée par le service de cardiologie de l’Hôpital de la Timone vise à faire diminuer le nombre de patients qui arrêtent de prendre leur médicament » et dont témoigne un article paru dans l’International Journal of Cardiology, (Quilici et al., 2013).

Si un logiciel, fut-il « empathique », ne remplacera jamais le rapport humain, les techniques de l’information et de la communication dans l’éducation thérapeutique des patients soulignent de véritables enjeux de santé publique. Il faudra certainement rester vigilant aux contenus, à l’accès pour tous et à la sécurité des données médicales ; aussi notamment à former les professionnels de santé en intégrant l’éducation thérapeutique du patient dans la formation initiale et continue et les inciter à collaborer à des initiatives utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Références scientifiques

Boutinet Jean-Pierre, (2013) « Enjeux et perspectives autour de l’éducation thérapeutique du patient », savoirs, 2013/3 n°33, p. 83-94. DOI : 10.3917/savo.033.0083, [En ligne] , consulté le 10 mars 2014.

Références associées

Schirr Bonnans Solène Beauvois Éric Mazars René Vidéo de l’atelier « FORMATICSanté » (1h43 :54) pendant l’Université d’été de l’e-santé, juillet 2013, Castres, [En ligne] , consulté le 20 mars 2014

Article du site du centre hospitalier universitaire de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille [En ligne] à propos de l’article paru dans l’International Journal of Cardiology (2013) : Quilici J, et al, Effect of motivational mobile phone short message service on aspirin adherence after coronary stenting for acute coronary syndrome, Int J Cardiol (2013), [En ligne] consulté le 20 mars 2014

Organisation Mondiale de la Santé (1998), Thérapic patient education, rapport OMS Europe. Formatic santé : Réseau d’échanges et formation en ligne des professionnels du secteur santé [En ligne], consulté le 20 mars 2014


 

Accueil | Abonnement | Contact | | Statistiques du site | Mentions légales | Accessibilité

ISSN : 2610-1920 - Site réalisé avec SPIP 4.2.2