par Laurence Beulé
Les trois textes de cette brève abordent les enjeux économiques et culturels de l’émergence du livre numérique. Ils donneront matière à réflexion sur la juxtaposition d’un modèle lucratif et le libre choix d’accès à l’information culturelle.
L’auteur Roger Chartier se réjouit de la conversion numérique offrant une nouvelle manière de lire, « tous les livres pour chaque lecteur, où qu’il soit » (Chartier, 2011, p1). Les institutions publiques et ses bibliothèques intéressées par la maîtrise de numérisation massive de la firme Google se veulent vigilantes car l’acte de lire doit rester accessible à la communauté. De nombreuses voix s’indignent sur les dangers potentiels d’une marchandisation culturelle et de controverses contractuelles en cas de partenariat avec la firme. D’après l’auteur, les bibliothèques doivent donc s’appuyer sur les pouvoirs publics pour gérer cette conversion et penser à l’archivage et conservation des écrits d’hier et des œuvres numériques de demain.
En allant plus loin du côté mercantile, l’étude de Françoise Benhamou et d’Olivia Guillon (2010) expose un panorama global des marchés économiques émergents du livre numérique. « Le passage au numérique fait évoluer les modes de production et de distribution » (Benhamou et Guillon, 2010, p4). L’analyse des modèles technologiques et commerciaux pratiqués auprès de divers pays occidentaux reflète un ajustement compliqué et une prééminence des acteurs privées tel Google ou Amazon. Selon eux, la recherche de l’interopérabilité (uniformisation technique) via des partenariats, la diversité des acteurs publics et privées actuelles et à venir, les évolutions technologiques sont autant de facteurs déterminants au futur désenclavement du marché.
Quant à l’étude d’Olivier Ertzscheid (2006), elle interroge les effets d’une numérisation du patrimoine culturel mondial. D’après les responsables de Google elle serait bénéfique à l’humanité. Cependant les acteurs des éditions, bibliothèques et libraires craignent une « monétisation publicitaire de l’ensemble du bouquet de services qu’ils offrent » (Ertzscheid, 2006, p1) à l’insu du consommateur et du libre accès à la culture. L’initiative Google Book en témoigne. Son modèle de consommation tels la recherche hiérarchisée ou la fausse gratuité financée par la publicité font débat chez les acteurs du livre dont les positions risquent d’être soumise au poids du géant américain.
Benhamou Françoise et Guillon Olivia (2010). « Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique », Culture prospective 2/2010 (n°2), p. 1-16. En ligne
Chartier Roger (2011). « Qu’est-ce qu’un livre ? Grandeurs et misères de la numérisation », dans La mondialisation de la recherche, Paris, Collège de France (« Conférences »), En ligne
Ertzscheid Olivier « D’un Numérique L’autre : Des Moteurs, Des Libraires, Et Des Usages », Cahiers De La Librairie (5/2006) : 33–42. En ligne