Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique
Nouveaux usages et émergence de termes.

A propos de dispositifs hybrides

écrit par Eftychia BÉLIA 23/07/10
samedi 7 août 2010 eftychia

Les utilisations des TIC en éducation, au cours des années 2000, marquent les pratiques par l’émergence de termes, tel le "dispositif hybride".

L’évolution démarre dans les années 70 avec l’apparition du terme dispositif [Jacquinot-Delaunay, G., & Monnoyer, L.,1999] dans des disciplines diverses telles que la sociologie, la sociologie du travail, des organisations, de l’innovation etc.
Le monde de l’éducation en est fortement influencé. Les manifestations observables sont des restructurations de l’organisation de la transmission des savoirs, de la modification du rôle de l’enseignant et de la relation enseignant/apprenant. Dans cette bibliographie commentée, nous analyserons donc le terme "dispositif hybride"et les changements qu’il signifie en focalisant notre attention sur le domaine de l’enseignement des langues secondes ou étrangères et, plus particulièrement, celui du français appris comme langue étrangère.

1. Contexte historique : la route vers le dispositif hybride

Avant d’arriver à la notion de dispositif hybride, nous tracerons ci-dessous un bref panorama historique de la formation à distance (FOAD) [1]
.

Jusqu’aux années 2000, une barrière séparait les formations ouvertes et à distance (FOAD) et les formations plus traditionnelles effectuées dans une salle de cours. Pour illustrer ce qu’est une FOAD, prenons l’exemple des universités à distance, dont le premier modèle a été l’Open University [2] britannique créée dans les années 70. Appelée aussi « l’université de la deuxième chance », cet établissement virtuel ouvre continuellement ses portes, sans sélection préalable, afin d’offrir à tous des chances de formation. Suivant cet exemple, des établissements tels le centre national d’enseignement à distance (CNED) et des universités à distance intégrées dans des universités « traditionnelles » se développent en France.

A l’époque, les cours à distance se déroulaient principalement par correspondance. De nos jours, et dans une filiation d’idées, des plateformes très sophistiquées permettent la diffusion du savoir, la communication et l’accompagnement des apprenants. Les cours dispensés par l’université traditionnelle se déroulent, quant à eux, toujours dans une salle de cours et exigent la présence physique des étudiants. Ces deux structures se distinguent donc fortement du fait, d’un côté, de l’absence physique totale et, de l’autre, de la présence physique obligatoire.

Graduellement, ces deux extrêmes ont tendance à se repositionner en prenant des formes hybrides. Le « tout à distance » a en effet montré des insuffisances qui se trouvent comblées par des rencontres physiques ponctuelles. Le cours « traditionnel » en salle se prolonge à distance et s’enrichit, quant à lui, grâce à l’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui impliquent l’initiative locale de l’éducateur.

Les années 2000 marquent en ce sens, l’avènement de l’expression relevant du domaine des TICE : « dispositifs hybrides ».
L’axe principal qui traverse cette bibliographie commentée relève de la didactique d’une langue seconde ; c’est-à-dire, l’apprentissage d’une langue autre que la ou les langue(s) maternelle(s) des apprenants. Les articles choisis s’appuient d’une part sur le français enseigné comme langue étrangère (FLE) en France, et d’autre part, sur l’anglais ou d’autres langues enseignées comme langues étrangères en France.

A partir de la tendance d’hybridation observable, les conditions d’enseignement/apprentissage subissent à priori des modifications. Quelles sont ces modifications et quel est l’impact de l’intégration des TIC sur les dispositifs de formation ? Trois grandes parties ont été choisies, à savoir : l’apprenant au sein du processus d’acquisition d’une langue seconde, les représentations des enseignants/tuteurs relatives aux dispositifs hybrides et l’organisation d’un dispositif hybride.

2. Vers un nouveau paradigme ?

Pour commencer, les articles choisis cherchent à définir les termes dispositif et dispositif hybride.

2.1 Le dispositif

Le colloque de Louvain-la-Neuve de 1998, "Le dispositif – Entre usage et concepts" marque l’épanouissement de la réflexion sur le dispositif.
Ici il s’agit du discours initiatique qui ouvre le colloque et annonce la problématique. Le terme dispositif se construit autour du rapport homme- machine, à voir les technologies numériques, des objets par exellence complexes.
Le dispositif implique des usages, des pratiques et l’appropriation de l’outil. Les aspects suivants, tels les activités coopétatives, les contextes situationnels avec l’intéraction des dimensions ergonomiques, cognitives, et plus largement anthropologiques et sociales, constituent le système complexe qu’est le dispositif.

Cet article tente de cerner le concept de dispositif, d’abord dans des domaines divers et par la suite dans le domaine de l’Apprentissage des Langues et des Systèmes d’Information et de Communication (ALSIC). Le dispositif, dans son acception globalisante, sert à désigner tout système de formation. Plus spécifiquement il contient des usages et des pratiques diverses comme la conception de ressources, la construction de séquences pédagogiques et la mise sur pied de formations.
Ainsi, le terme ’’dispositif’’ malgré ses apparences unificatrices, reste vaste. Il englobe en effet des sous-systèmes très différents. L’auteure en tant qu’ingénieur de formation préfère dissocier la ressource (pédagogique ou non) de l’environnement technique, et de ce qui peut en être fait au sein d’un scénario pédagogique. Elle préfère également dissocier dispositif et système car elle trouve qu’il y a confusion une fois que tout est déclaré comme "dispositif’’.

2.2 Apprendre en présence et à distance

L’article cherche à donner une définition des dispositifs hybrides. L’expérience s’appuie sur deux exemples de « blended learning 2 » dans le cadre d’une formation universitaire initiale et continue.
Ces formations articulent à des degrés divers des phases de formation en présentiel et des phases de formation à distance, soutenues par un environnement technologique comme une plateforme de formation.
Selon les auteurs, l’hybridation est comprise comme une conséquence de l’innovation, illustrée par les deux exemples dans cet article. Pour observer les dispositifs hybrides, le véritable point d’entrée serait donc l’innovation de type technopédagogique.

3. Du côté de l’apprenant : processus d’acquisition et d’apprentissage

3.1 L’efficacité des stratégies de travail d’étudiants.

  • BRUDERMAN C., (2010), Analyse de l’efficacité des stratégies de travail d’étudiants LANSAD à distance dans un dispositif hybride – Etape d’une recherche-action, ALSIC, vol 13
    http://alsic.revues.org/index1348.html

L’auteur de cet article met en place un dispositif hybride pour l’enseignement des Langues pour des Spécialistes d’Autres Disciplines (LANSAD), au sein d’une recherche-action, qui se fonde sur la conception et l’utilisation d’un centre de ressources en ligne.
Les deux modalités, à distance et en présentiel, emmènent les étudiants à diversifier les stratégies d’apprentissage et ainsi d’augmenter le potentiel d’acquisition de la langue. Les activités d’apprentissage enchaînent des macro-tâches focalisées sur la gestion du sens et des micro- tâches focalisée sur l’usage des formes afin de répondre aux besoins crées a priori par la gestion du sens.
Par ailleurs, l’organisation hybride et l’intégration des TIC ramènent à repenser le rôle du médiateur.

3.2 Le carnet de bord, outil vers l’autonomisation

  • CHATEAU A., ZUMBIHL H., (2010), Le carnet de bord, un outil permettant le cheminiement vers l’autonomisation dans un dispositif d’apprentissage de l’angmais en ligne, ALSIC, vol 13, http://alsic.revues.org/index1392.html

Le dispositif hybride décrit dans cet article fonctionne pour l’enseignement de l’anglais au sein du secteur LANSAD. Ce dispositif qui fonctionne en utilisant la plateforme moodle et un ENT, a pour objectif, par les différentes TIC qu’il utilise, d’encourager le cheminement vers l’autonomisation des apprenants. Un carnet de bord en ligne a été proposé aux étudiants afin de leur permettre d’avoir une réflexion personnelle plus poussée sur leur apprentissage.
Les chercheurs par l’analyse de ces écrits repèrent les stratégies des étudiants et vérifient si ce nouvel outil facilite le cheminement vers l’autonomisation.

4. Représentations des enseignants/tuteurs : le processus d’autonomisation de l’apprenant et les interactions en formation hybride

Les deux articles suivants s’appuient sur des questionnaires et des entretiens pour étudier les représentations des enseignants, concepteurs de dispositifs hybrides, d’un côté sur l’autonomie de l’apprenant et d’un autre côté sur l’importance des interactions en ligne.

4.1 Formation hybride en langue pour favoriser l’autonomie de l’apprenant

  • NISSEN E. (2007), Quelles aides les formations hybrides en langues proposent-elles à l’apprenant pour favoriser son autonomie ?, ALSIC, vol 10, numéro 1
    http://alsic.revues.org/index617.html

La question de recherche est de savoir si ces formations soutiennent l’apprenant dans son autonomie et si oui, comment. Les réponses des concepteurs de huit formations hybrides à un questionnaire auto-administré montrent que les nécessaires développements et soutiens de l’autonomie sont toujours valorisés ; ainsi ces huit formations proposent des aides pour favoriser l’autonomie dans les domaines technique, méthodologique, social et langagier.
En revanche les autonomies de type psycho-affectif, informationnel, cognitif et métacognitif ne sont pas prises en considération dans toutes les formations.

4.2 FH et interactions en ligne, vue de l’enseignant

  • DEGACHE C., NISSEN E., (2008), Formations hybrides et interactions en ligne du point de vue de l’enseignant : pratiques, représentations, évolutions, vol 11, numéro 1
    http://alsic.revues.org/index797.html

Cet article s’appuie sur l’hypothèse suivante : les évolutions d’un dispositif hybride sont liées au déroulement des interactions qui ont effectivement eu lieu dans le cadre de ces formations. La recherche se base sur des entretiens avec quinze concepteurs de formations hybrides en langues pour spécialistes d’autres disciplines.
Une première analyse des entretiens permet d’identifier les pratiques d’interaction, les représentations des concepteurs et les évolutions des formations hybrides. Lors de l’observation des dispositifs hybrides quatre phases ont été identifiées : introductive (des TICE), optimisatrice, réorganisatrice et collaborative.

5. Diverses organisations d’un dispositif hybride

La mise en place d’un dispositif hybride relève d’une réflexion didactique, de l’encadrement pédagogique et de l’instrumentation du système. Par la suite, nous proposons un article théorique centré sur la notion de tâche, un deuxième sur les compétences de l’enseignant et pour terminer une étude de cas sur l’intégration d’une plateforme.

5.1 La notion de tâche, quelles régulations en dispositif hybride ?

Le chercheur de cet article s’intéresse d’un point de vue théorique à la notion de tâche au sein du dispositif hybride. La question de recherche s’articule comme suit : quelle est la participation de l’apprenant à la scénarisation des tâches au cours des phases de régulation ?
L’auteur réfléchit sur la médiatisation et la scénarisation de la tâche dans un hybride, ou le présentiel est réservé à la régulation. Ainsi, la tâche devient pour l’apprenant le point focal de son apprentissage, à la fois via le processus de co-construction de la scénarisation et via la procéduralisation de ses activités d’apprentissage.

5.2 Echanges en ligne pour accompagner les apprentissages.

Cet article s’appuie sur l’environnement crée par un dispositif hybride. Il se donne comme objectif d’étudier l’impact des modes d’échange en ligne asynchrone et synchrone sur le développement de compétences professionnelles d’enseignement des langues.
Il analyse ensuite les données proposées par deux référentiels de compétences pour chacune des deux modalités d’échange.

5.3 Expériences pédagogiques dans le campus virtuel FLE

L’article proposé décrit l’exemple d’un dispositif hybride mis en place au sein d’un campus virtuel FLE à l’université de Léon. Cette expérience pédagogique permet de mieux comprendre les applications des TICE en classe de FLE et le fonctionnement des formations fondées sur Internet.
Les nombreuses ressources, supports et réalisations signalées dans cet article donnent des pistes didactiques aux étudiants, enseignants et chercheurs en didactique des langues. En même temps une réflexion est proposée sur le rôle de l’enseignant dans les universités numériques et les campus virtuels.

6. Comment concilier la distance et la présence...

6.1 La difficile articulation du présentiel et de la distance

  • SOUBRIÉ T., (2008), La difficile articulation du présentiel et de la distance dans le cadre d’un cours hybride en master,ALSIC, vol 11, numéro 2
    http://alsic.revues.org/index385.html

Quelle articulation entre la présence et la distance dans un dispositif hybride ? Quels avantages présente chacune des modalités et comment faire en sorte qu’elles soient complémentaires ?
Ces interrogations préoccupent Thierry Soubrié, responsable d’un cours hybride intitulé « TICE et enseignement/apprentissage du FLE » en master 2 à Grenoble.
Il met en place une pédagogie active (Task Based Approach, aptitudes réflexives, autonomisation, tutorat etc) dont l’objectif est de sensibiliser les étudiants à l’usage des TICE dans leurs pratiques professionnelles et de faire évoluer les représentations existantes afin de franchir des éventuels obstacles.
L’auteur distingue deux types de distance : la distance cognitive, recul ou prise de distance, qui est bénéfique pour l’apprentissage, et la distance pédagogique ou médiation.

Soulevé par l’auteur, le défi reste à réguler ces deux distances au profit d’une collaboration bénéfique entre enseignant et apprenants.

[1On peut consulter à ce sujet la synthèse toujours actuelle de V. Glikman : Glikman, V. (2002). Des cours par correspondance au "e-learning". PARIS : PUF.


 

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