Auteurs :
Marie-Hélène Comte
Learning Lab Inria
Sherazade Djeballah
Learning Lab Inria
Maxime Fourny
Éducation Nationale
Sébastien Hoarau
Université de la Réunion, Saint-Denis, France
Anthony Juton
ENS Paris Saclay
Mehdi Khaneboubi
Université de Cergy-Pontoise
Aurélie Lagarrigue
Learning Lab Inria
Thierry Massart
Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Belgique
Charles Poulmaire
Éducation Nationale
Violaine Prince
Université de Montpellier
Stéphane Renouf
Éducation Nationale
Thierry Viéville
Mnémosyne, INRIA, Sophia-Antipolis & Laboratoire d’Innovation et Numérique pour l’Education (LINE), Université Côte d’Azur
Jean-Marc Vincent
Université Grenoble Alpes
Numéro thématique 3 / 2023-T3
RÉSUMÉ Nous commençons dans plusieurs pays d’Europe à ne pas uniquement apprendre à nos enfants à utiliser le numérique mais à en comprendre les fondements pour pouvoir le maîtriser. Et aussi se préparer à acquérir les compétences professionnelles fondamentales en informatique indispensables pour beaucoup de métiers scientifiques et techniques, tandis qu’il faut aussi former une partie de notre future population à la discipline informatique qui est à la fois science et technique et que l’on retrouve comme compétence fondamentale dans tous les domaines, devenus numériques. Le principal enjeu est alors la formation des enseignantes et des enseignants. Nous aidons à relever ce défi avec une double formation en ligne, l’une aux fondamentaux de l’informatique, avec des ressources d’initiation et de perfectionnement l’autre pour apprendre à enseigner par la pratique, en co-préparant les activités pédagogiques des cours à venir, et en y partageant des pratiques didactiques. Cela inclut du recul pédagogique, y compris du point de vue de la pédagogie de l’égalité. Cette ressource permet de faire communauté d’apprentissage et de pratique avec l’accueil et l’entraide de centaines de collègues en activité ou en formation. Ceci est complété d’initiatives hybrides sur le territoire. Nous en partagerons ici la démarche et l’analyse du point de vue des sciences de l’éducation des premiers résultats obtenus, en montrant combien les liens entre enseignement et recherche peuvent-être précieux à ce niveau.
MOTS-CLÉS • Enseignement de l’informatique – Apprentissage de l’informatique – Communauté de Pratiques – Communauté d’Apprentissage.
Figure 1 : Une formation co-construite avec des collègues qui enseignent l’informatique avec un accompagnement et une communauté d’apprentissage et de pratique https://mooc-nsi-snt.gitlab.io/portail
Depuis l’introduction de l’étude de l’algorithmique en seconde en 2009, puis entre 2012 et 2019 l’introduction progressive de l’informatique comme discipline du secondaire, mais aussi au primaire, le paysage éducatif a changé : beaucoup d’entre nous ont appris un peu à programmer, ont vu dans les médias parler d’algorithmes et en décrire les applications et parfois les mécanismes.
Cette popularisation peut donner l’illusion que l’informatique s’apprend en un “rien de temps” : c’est un faux débat dès que nous distinguons (i) l’initiation ludique et invitante à ces sujets, (ii) le partage pour toutes et tous d’une culture scientifique et technique suffisante pour démystifier et se forger une représentation de ces concepts et outils (on parle d’initiation à la “pensée informatique”) et enfin (iii) la formation à l’informatique comme discipline.
Nous traitons ici d’une ressource pour aider sur le volet (iii), et nous savons que le plus difficile est le volet (ii) avec l’enseignement SNT. Ce dernier est beaucoup critiqué car son objectif est plus ambitieux , faire que demain ma garagiste ou mon fleuriste, toutes et tous nous soyons en mesure de maîtriser le numérique.
Pour relever ce défi, nous partageons une plateforme avec deux formations en ligne :
Ces formations s’appuient sur un forum qui est un lieu d’échange, de partage, d’entraide et de création de projet pour former des collègues à des besoins divers et variés. C’est à la fois un lieu de dialogue ouvert avec l’équipe pédagogique des MOOCs, et entre les personnes apprenantes, et un espace à plusieurs échelles, pour éviter l’enfermement des personnes qui suivent le MOOC en les incitant à dialoguer avec la communauté plus large des collègues qui enseignent ou contribuent à cet enseignement.
Ces ressources sont bien entendu librement réutilisables en Creative-Commons CC-BY, avec une mise à disposition à la fois en parcours, et en un partage granulaire pour une meilleure réutilisation, republié parfois par nos partenaires, complété d’un “bureau d’accueil” en ligne qui permet d’aider les personnes à les réutiliser. Cet ensemble de service est formalisé et décrit sous le terme de para-plateforme.
Ces formations permettent de commencer à se former au CAPES pour les personnes désireuses de s’y préparer. Elles sont particulièrement utiles pour les professionnels de l’informatique qui souhaitent se réorienter vers l’enseignement. Au delà, nous faisons communauté d’apprentissage et de pratique avec l’AEIF (Association des Enseignantes et enseignants d’Informatique de France, https://aeif.fr/) et le projet CAI (Communauté d’Apprentissage de l’Informatique, https://cai.community/) qui contribuent à l’accueil et l’entraide de centaines de collègues en activité ou en formation, discutant de tous les sujets, partageant des ressources sur un forum dédié et des listes de discussions, et proposant aussi des instances hybrides de cette formation.
Cette mobilisation, en collaboration avec des collègues du supérieur qui se mettent au service pour aider à la formation, à la création de ressources, et à l’accompagnement de la mise en place de cet enseignement, est un vrai levier.
Méthode utilisée : les traces d’apprentissage, les réponses à des questionnaires et des entretiens avec les personnes participantes permettent de disposer de données que des collègues en didactique de l’informatique analysent pour répondre aux questions que nous proposons de poser autour de cette ressource. Les observables choisis ont été sélectionnés en cohérence avec d’autres études de collègues des sciences de l’éducation qui ont analysé des ressources précédentes, réutilisées comme initiation à cette formation [1] ou comme complément [2]. Le forum est aussi un terrain d’observation et d’analyse des personnes apprenantes. Ces données expérimentales sont partagées au niveau du rapport de recherche qui sert de matériel supplémentaire à cet article court [3].
Résultats quantitatifs : en bref, pour le 1er MOOC, après 11 mois de mise en service, nous avons pu toucher début 2023 un peu plus de 9700 personnes au niveau de l’apprentissage des fondamentaux et un peu plus de 6000 personnes pour apprendre à enseigner. Pour le premier, environ 60% sont en France, le rayonnement francophone étant essentiellement hors Europe, avec 70%-30% d’homme/femme, et une répartition d’âge très majoritairement entre 25 et 55 ans, plutôt en deuxième partie de carrière, et quelques séniors (curieux de science). Les personnes ont très majoritairement des profils post-bac, majoritairement de niveau Master. Un tiers vient approfondir ses connaissances ou se reconvertir, une minorité d’étudiant·e·s en informatique est touchée (puisque disposant déjà de ces enseignements). Un tiers vient aussi mieux comprendre ce qui s’enseigne en NSI . Environ 850 enseignent en NSI sur l’ordre de grandeur de 3000 personnes, soit un peu plus du quart, tandis que sur le forum il y a plus d’un millier d’inscriptions. En SNT, la formation dédiée [4] semble toucher majoritairement les professeur·e·s, y compris des autres disciplines. Au contraire, en NSI, nous sommes ici sur une formation dédiée.
Résultats qualitatifs : les conclusions d’une analyse qualitative des données recueillies révèlent :
Au delà de la conception et de l’évaluation de cette ressource, on questionne ici à la fois ce que les enseignant·e·s d’informatique du secondaire doivent acquérir en matière de savoir, savoir-faire et savoir-être (équité) en se référent en référence aux domaines de la didactique de la discipline et de la pédagogie d’enseignements qui, par exemple, se décline forcément par projet.
En analysant qualitativement les données et les échanges sur le forum, nous identifions d’abord un fort besoin de formations aux outils et à la programmation (parfois au détriment du recul théorique pourtant primordial). Puis, le besoin de création d’activités lesquelles fonctionnent bien même dans des conditions parfois sous-optimales (classes entières, accès aux machines limités, …). Le 2ème MOOC présenté ci-dessus répond à ce dernier. Là encore, le besoin exprimé étant très pragmatique il nous faut aussi aider à réaliser qu’il est important de prendre du recul par rapport à cette discipline vis à vis de laquelle la recherche en didactique est naissante dans le monde francophone (mais déjà largement développé à l’international [5]).
Marie-Hélène Comte, Djeballah Sherazage, Maxime Fourny, Sébastien Hoarau, Anthony Juton, et al.. Un espace de formation francophone des enseignants, dédié à l’apprentissage de l’informatique, dans le secondaire.. Inria. 2023,RR-9154, pp.15. ⟨hal-04140155⟩
[1] Il s’agit de la formation SNT qui est discutée dans cette publication https://hal.inria.fr/hal-02145466v2
[2] Il s’agit de la formation citoyenne à l’intelligence artificielle qui est discutée dans cette publication https://hal.inria.fr/hal-03024034v2
[3] Lien à venir.
[4] https://classcode.fr/snt dont l’analyse scientifique est publiée ici https://hal.inria.fr/hal-02145466v2 des chiffres récents sont partagés là https://tinyl.io/7o2Z on touche plus de 35000 personnes dont 72% sont des enseignants dans le cadre de leur formation professionnelle, soit un ordre de grandeur 25000, pour 12500 classes de seconde faisant SNT, la couverture est donc bien plus grande (ordres de grandeurs issu des données du ministère).
[5] C’est dans le MOOC lui-même (voir https://tinyl.io/7o3V) que l’on partage des ressources didactiques francophones et anglophones internationales, qui ont elles-mêmes bien entendues été lues avant de proposer la formation actuelle.