Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Tutorat organisé contre tutorat par les pairs, qu’en est-il à l’heure des réseaux sociaux ?

Le cas d’étudiants de L3 Sciences de l’éducation à distance
mardi 27 décembre 2022 Hervé Daguet

Cet article présente les résultats d’une enquête quantitative effectuée entre 2020 et 2022 auprès de 224 étudiants de sciences de l’éducation à distance. De façon générale elle questionne le concept d’accompagnement qu’il soit mis en place de façon formelle par les acteurs du dispositif de formation à distance ou qu’il soit mis en place de façon informelle, entre pairs par les étudiants eux-mêmes.

Quels sont alors les réseaux utilisés par ces étudiants et au niveau des apprentissages quels sont les usages qu’ils en font ? Ces usages sont-ils de nature à supplanter le dispositif formel mis en place dans le cadre de ce diplôme à distance ?

Mots clés : Formation à distance, Accompagnement, Apprentissage formel, Apprentissage informel, Tutorat par les pairs.

Introduction

Cet article fait suite à une réflexion commencée dès la fin des années 1990 sur la nécessité pour l’enseignement à distance d’organiser l’accompagnement des étudiants et ainsi de passer du cours en ligne à un véritable dispositif de formation à distance (Glikman, 2002). L’arrivée de réseaux sociaux et surtout le transfert de leurs usages de la sphère du loisir à celle de l’apprentissage (Mélot et al., 2017) nous amène à nous questionner sur la nature actuelle des interactions via ces médias entre les différents acteurs de ces formations (Papi & Rinaudo, 2022) et ce tant d’un point de vue formel qu’informel.

Nous présentons ici les résultats d’une enquête quantitative menée entre 2020 et 2022 auprès d’étudiants à distance d’une Licence de Sciences de l’éducation au sein de laquelle nous questionnions l’accompagnement formel (via le dispositif, le campus numérique) et informel (les réseaux sociaux, hors campus numérique).

Après avoir présenté le questionnement qui a permis de fonder ce travail nous précisons le contexte de réalisation de la recherche ainsi que la méthodologie utilisée pour cette dernière.

La présentation des résultats est effectuée en fonction de 3 axes, le dispositif formel, la typologie des réseaux sociaux utilisés par les étudiants ainsi que leurs usages dans la sphère des apprentissages.

Problématique

Dans cet article nous questionnons la relation d’accompagnement telle qu’elle peut être vécue par des étudiants de troisième année de licence de sciences de l’éducation au sein d’un dispositif à distance.

Les fondements théoriques de cette recherche sont construits autour de trois axes.

Le premier consiste à considérer la formation comme un dispositif au sens de Lameul et al. (2009), Jézégou (2009) ou plus particulièrement Albéro (2010) . En effet, le système de formation pourrait alors s’analyser non plus uniquement au travers de la technique mais aussi au travers de son organisation techno-pédagogique ou encore de ses acteurs. Albero (2010) distingue alors 3 points fondamentaux, la structure, qui renvoie à l’organisation, à la construction hiérarchique et aux relations avec les acteurs, les règles ou le détournement des règles, le système vu comme une organisation structurée au regard des interactions entre les acteurs, et enfin le dispositif en lui-même qui permet justement d’entrevoir les réalités rencontrées au quotidien par ses acteurs, en d’autres termes ce qui est perçu comme formel ou informel.

Le second axe est celui de l’accompagnement en formation au sens de Paul (2004, 2020). Accompagner est alors associé à 3 axes, le premier serait le fait de guider, de conseillers ou encore d’orienter, le second serait lié à la protection, l’aide ou encore le soutien et le dernier réfèrerait à l’initiation ou l’éducation de l’individu accompagné. Elle propose alors ce qu’elle nomme « nébuleuse » qui in fine permet de dégager une typologie de figures de l’accompagnant (tuteur, mentor, coach…) qui est une grille de lecture des relations de ce type par les acteurs du dispositif. Ainsi, même s’il existe des similitudes entre le tuteur et le coach, ce dernier va par exemple davantage intervenir sur le développement personnel de la personne accompagnée. Mise en lien avec la formation à distance cette grille fait écho aux nombreux travaux qui portent déjà sur ce sujet comme ceux, de façon non exhaustive, de Denis (2003), Depover et al. (2011) ou encore Racette et al. (2017) qui permettent d’affiner la réflexion autour de l’organisation formelle de l’accompagnement dans les dispositifs d’enseignement en ligne.

Enfin, un dernier axe a été investigué qui en fait croise les deux précédents, il s’agit de l’analyse des dimensions formelles et informelles. Pour l’investiguer, dans la droite ligne de la pédagogie traditionnellement dispensée dans les écoles mutuelles du XIXie (Lesage, 1975) nous nous sommes intéressés à l’accompagnement par les pairs qui a particulièrement été étudié dans le supérieur par Papi (2013, 2014) ou plus récemment Papi et Rinaudo (2022) et Poyet (2022) pour une revue de questions plus larges, les liens qui peuvent se tisser entre les différents acteurs des dispositifs de formation à distance.

In fine notre questionnement général est celui des effets que peut avoir un dispositif d’accompagnement sur des apprenants à distance.

Pour ce faire 3 points sont plus particulièrement questionnés :

  • Comment les étudiants perçoivent-ils l’accompagnement au sein du dispositif formel ?
  • En dehors du dispositif formel qui sont les acteurs de l’accompagnement ?
  • Quels sont les médias sociaux sont-ils utilisés par les apprenants dans le cadre leurs études et dans quel but ?

La L3 Sciences de l’Education FORSE Rouen et son dispositif d’accompagnement

La Licence 3 Sciences de l’éducation au sein du campus numérique FORSE

La Licence 3 des Sciences de l’éducation à distance de l’Université de Rouen Normandie est la résurgence d’une réponse à appel d’offres du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche sur la mise en place de campus numériques en France qui date du début des années 2000. Le Campus numérique FORSE (FOrmation et Ressources en Sciences de l’Education) est le fruit de la réponse à cet appel par un consortium regroupant les Universités de Rouen Normandie, Lyon 2 et du Centre National d’Enseignement à Distance (CNED).

Comme l’indiquait Wallet (2007) l’idée était alors de développer à la fois une offre de formation à distance en France mais également d’inciter à des pratiques pédagogiques innovantes en ligne. Avec une moyenne de 1000 étudiants inscrits par an sur l’ensemble des formations entre Rouen et Lyon officiellement le cap des 10 000 étudiants inscrits a été atteint dès 2014.

Initialement les deux piliers de ce campus ont été la L3, anciennement Licence des Sciences de l’Éducation et du DESS d’ingénierie de la formation, devenu maintenant Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation et d’une Licence en Sciences de l’éducation. Actuellement l’offre de formation commence à la L3 sciences de l’éducation et propose deux masters.

Comme l’avaient montré Jacquinot (1993), Jacquinot-Delaunay (2002) ou encore Glikman (2002) il ne suffit pas de mettre en ligne des cours si l’on veut construire un dispositif de formation à distance. Il faut surtout penser les implications de la distance sur le processus d’apprentissage et de socialisation des étudiants. Il convient alors de réfléchir au processus d’accompagnement des apprenants à distance à l’instar de ce qui a été décrit par de nombreux chercheurs tels Depover et Quintin (2011). De ce fait, dès sa conception en dehors du classique rôle du tuteur méthodologique dédié à des groupes de 20 à 30 étudiants décrit par Denis (2003) ou plus récemment Racette et al. (2019) la L3 SDE FORSE a été pensée autour de cette notion d’accompagnement. Thouroude (2007) explique notamment que l’étudiant bénéficie :

  • des Exercices d’Entraînement aux Examens (EEE) qui permettent à des étudiants qui, pour la plupart, n’avaient plus côtoyé le milieu universitaire depuis plus de 10 ans, de réapprendre à rédiger un devoir en comprenant les attentes des enseignants ;
  • d’un dialogue par chat à l’ouverture de la formation puis depuis 2010 ans par classes virtuelles (Macromedia Breeze, Adobe Connect et maintenant Blackboard Collaborate) avec les enseignants rédacteurs des cours. En dehors de la présentation des cours a minima une séance de dialogue avec les enseignants rédacteurs des cours permet aux étudiants de poser leurs questions afin qu’ils explicitent leurs cours ;
  • d’un suivi par forum pour les méthodologies qualitatives et quantitatives. Pour beaucoup ces deux matières, principalement les méthodologies quantitatives, représentent une difficulté importante, l’enseignant responsable du forum répond ainsi à toutes les questions et les prépare alors à passer leurs examens ;
  • d’un suivi par Forum pour l’anglais. Comme pour les forums sur les méthodologies les niveaux en anglais sont très disparates, un accompagnement est alors nécessaire, principalement pour ceux qui n’ont plus étudié cette langue depuis le baccalauréat ;
  • enfin, d’un référent, le coordinateur pédagogique, qui a un rôle d’interface entre les enseignants, les techniciens, l’administration et ces derniers.

La L3 Sciences de l’éducation FORSE à l’heure des réseaux sociaux

La question des usages des réseaux sociaux au sein du dispositif FORSE n’est pas nouvelle puisqu’elle s’est posée de façon institutionnelle depuis le début des années 2010.

Dans un premier temps, un tuteur féru de technologies a proposé de gérer son suivi en utilisant l’environnement virtuel « Second Life ». Puis, deux autres tuteurs ont décidé de suivre un groupe d’étudiants en utilisant Facebook. Cependant, ces expériences ont été rapidement interrompues car elles ont été jugées chronophages, elles étaient doublées d’un travail sur la plateforme de formation. De même elles n’étaient pas bien perçues au niveau de l’institution qui dès lors ne pouvait plus avoir le contrôle sur le travail réellement effectué par le tuteur.

Ensuite, à partir de 2014 les étudiants des L3 FORSE Rouen ont mis en place un groupe Facebook intitulé « L3 Sciences de l’éducation CNED ROUEN » [1].

Depuis 8 ans ce groupe a réuni plus de 961 membres. Au sein de ce groupe les étudiants peuvent s’exprimer plus librement que sur les forums de la plateforme officielle de la formation (actuellement Moodle). En ce qui concerne les contenus beaucoup portent sur des informations déjà diffusées sur la plateforme officielle mais c’est aussi pour eux un lieu d’échanges, vente de livres universitaires, de partage de fiches de cours. Quand les regroupements ou les examens étaient en présence c’était aussi pour eux un moyen d’échanger des informations pour préparer des covoiturages pour se rendre à Rouen ou de se donner des informations sur les possibilités de logement sur Rouen.

Méthodologie de recherche

A l’heure des réseaux sociaux, notre questionnement porte sur l’impact que peut avoir le dispositif d’accompagnement d’une formation à distance sur ses apprenants. Pour cette dernière l’usage des réseaux sociaux se limite à la sphère de l’informel.

La méthodologie choisie pour répondre à ce questionnement a été la diffusion d’un questionnaire en fin d’année universitaire à l’aide du logiciel permettant de mettre en place des enquêtes quantitatives en ligne, LimeSurvey™. Le questionnaire a été présenté aux étudiants comme un moyen de s’exprimer librement sur leur vécu pendant leur année de L3. Ils étaient totalement libres d’y répondre ou non, de même nous avons pris soin d’activer les options permettant qu’ils conservent l’anonymat des réponses et nous les en avons avertis.

Notre questionnement était centré autour des dimensions formelles et informelles de l’accompagnement et du lien entre ces dernières et les réseaux sociaux. C’est pourquoi nous ne présentons ici que les éléments du questionnaire qui sont en lien direct avec ce questionnement. Initialement le questionnaire était constitué de 4 grandes parties [2]. En dehors des premières questions permettant de définir le public de répondants les suivantes étaient essentiellement des échelles de Lickert en 4 points allant par exemple de « Pas du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord ». Nous avons activé systématiquement la possibilité de ne pas répondre à la question (Ne se prononce pas).

  • Les questions concernant le public (sexe, âge, profession…) ;
  • Les questions concernant le dispositif formel d’accompagnement (perception des tuteurs, des exercices d’entraînement aux examens…) ;
  • Les questions sur les réseaux sociaux utilisés par les étudiants dans le cadre de leur formation ;
  • Les questions sur les aspects informels de l’accompagnement (qui et avec quels réseaux sociaux).
    L’année 2019/2020 a été une année de transition car les conséquences du COVID 19 ont conduit à un passage d’une modalité en présentielle au premier semestre à une modalité intégralement à distance au second semestre et pour la seconde session d’examens. Depuis la formation est restée à distance pour les regroupements et les examens.

De ce fait les résultats présentés ici sont une compilation des résultats de 2020/2021 et 2021/2022. Ceci nous permet de renforcer les effets statistiques, sur ces deux périodes nous avons ainsi pu recueillir 134 et 90 réponses. Ces réponses concernaient des populations totales de 350 étudiants pour 2020/2021 et 300 étudiants pour 2021/2022. En ce qui concerne les données présentées dans cet article aucune différence significative n’a été calculée entre les données 2020/2021 et 2021/2022 qui aurait pu amener un biais statistique dans le fait de compiler les résultats de ces deux années universitaires.

Comme c’est souvent le cas dans les formations en lettres et sciences humaines la population de répondants est essentiellement constituée de répondantes. En effet la population d’étudiants en L3 Sciences de l’éducation à distance FORSE était composée essentiellement en 2020/2022 de femmes. La tranche d’âge la plus représentée est celle des 18/25 ans, 30%, puis à égalité les 26/33 ans et les 34/41 ans.

Si on compare ces données avec celles d’enquêtes précédentes notamment dans la période pré-covid 19, elles indiquent que la population de cette licence se transforme. En effet le profil des étudiants à distance de cette formation était jusqu’à cette période essentiellement celui d’adultes en reprise d’études, souvent après 35 ans. Ainsi, alors que généralement 95 à 100% des étudiants de cette formation avaient un emploi, ils sont maintenant plus de 20% à indiquer qu’ils n’en ont pas et ne sont pas non plus au chômage. Ils peuvent donc être considérés comme des étudiants en formation initiale. L’écart est d’autant plus important pour les étudiants ayant un enfant qui représentait plus des ¾ des promotions antérieures, ils ne sont plus maintenant que 50% à indiquer en avoir un.

Sans pouvoir nous apporter de réponses probantes, ces données statistiques tendent à montrer que depuis 2019/2020 et les transformations de l’organisation de la formation liées à l’épidémie de COVID 19 il y a eu un impact sur le recrutement de nos étudiants.

Principaux résultats de la recherche

Les résultats sont présentés suivant 3 axes, l’accompagnement formel et sa perception, par les étudiants, les acteurs de l’accompagnement informel et enfin les réseaux et leurs usages par les étudiants dans le cadre de cet accompagnement informel.

Perception par les apprenants de l’accompagnement mis en place au sein du dispositif formel.

Les résultats de l’enquête indiquent que les étudiants perçoivent positivement le dispositif d’accompagnement mis en place. C’est le cas quand, à l’aide d’une échelle de Lickert en 4 points, ils jugent globalement la qualité des éléments du dispositif, le tutorat (suivi à l’année par un tuteur), la méthodologie (pour le suivi groupal en méthodologies qualitative et quantitative), les EEE (Exercices d’Entraînement aux Examens) ou encore l’anglais (suivi en forum et classe virtuelle par une enseignante d’anglais).

Graphique 1 : Perception de la qualité globale du dispositif d’accompagnement formel

En moyenne les étudiants indiquent être « plutôt satisfaits » ou « tout à fait satisfaits » à près de 80%. Les deux extrêmes sont, pour le chiffre le plus bas, le suivi tutoral à l’année, pour seulement 65% des répondants, donc plus de la moitié d’étudiants satisfaits de la qualité du dispositif et pour le chiffre le plus élevé, près de 95% de satisfaction pour le suivi tutoral en anglais.

Graphique 2 : Perception de la qualité des conseils méthodologiques au sein du dispositif formel

Au niveau des conseils méthodologiques proposés par les acteurs du dispositif formel la qualité reste, elle aussi, perçue comme très positive par les étudiants puisqu’en moyenne 75% d’entre eux indiquent être « plutôt satisfaits » ou « tout à fait satisfaits ». Une nouvelle fois les conseils prodigués au niveau de l’accompagnement en anglais sont ceux qui sont jugés par les étudiants comme les plus pertinents car on peut noter 95% d’opinions positives.

Graphique 3 : Perception de la qualité de l’animation de la plateforme de formation et des informations fournies par le coordinateur pédagogique

Même si la perception de l’accompagnement proposé par le coordinateur pédagogique au travers des tâches qu’il effectue sur la plateforme de formation on voit qu’elles sont perçues un peu moins positivement par les étudiants notamment en ce qui concerne les contenus d’informations qu’il propose qui ne satisfont que 2/3 des répondants.

Les acteurs de l’accompagnement informel

Majoritairement, les étudiants de la L3 à distance indiquent qu’ils ne sont pas accompagnés en dehors de ce qui est officiellement proposé par le dispositif. Ainsi, à l’opposé des acteurs de la dimension formelle de l’accompagnement, les correcteurs des EEE, les tuteurs à l’année ou encore les tuteurs méthodologiques ou d’anglais, les étudiants précisent n’être jamais ou rarement accompagnés à :

  • 92% par un étudiant hors de la promotion ;
  • 90% par un enseignant hors de la formation ;
  • 90% par un formateur hors de la formation ;
  • 85 %par un collègue de travail ;
  • 79% par un membre de leur famille.
    En revanche le principal résultat du questionnaire, un peu plus de la moitié des étudiants, 52% plus exactement, montre que l’essentiel de l’accompagnement informel indiqué, l’est au travers d’autres membres de la promotion, en effet, ils indiquent y avoir recours « souvent » ou « toujours ». On peut donc considérer au regard de ces données que la partie informelle de l’accompagnement l’est au travers de leurs pairs.

Les médias utilisés par les étudiants de la L3 dans le cadre de l’accompagnement informel.

Avant de chercher à comprendre la nature de l’accompagnement informel entre pairs nous avons questionné les usages des réseaux sociaux comme vecteurs d’apprentissages pendant la L3 à distance. De ce fait nous avions bien spécifié dans le questionnaire que les questions portaient sur leurs usages pour apprendre et non leurs usages dans le cadre de leurs loisirs ou de leur travail.

Quand on questionne les étudiants à l’aide d’une liste prédéfinie de sites sur leurs usages des réseaux sociaux dans le cadre le leur formation en L3, plus de 90% indiquent ne pas utiliser Twitter, Dailymotion, Instagram, Tiktok Snapchat ou encore LinkedIn

Même si le questionnaire ne nous permet pas de connaître la nature des contenus consultés, les étudiants ont indiqué, pour 20% d’entre eux, utiliser le réseau YouTube dans le cadre de leur formation.

Graphique 4 : Principaux réseaux sociaux utilisés par les étudiants dans le cadre de leur formation

En fin de compte, l’enquête a mis au jour le fait que seuls deux réseaux semblent être majoritairement utilisés par les étudiants de la L3 à distance, il s’agit de Facebook et de façon encore plus significative de WhatsApp.

Les médias et leurs usages dans le cadre de l’accompagnement informel.

Les usages décrits de façon anonyme sur les réseaux sociaux à partir d’une liste prédéfinie indiquent que les étudiants les utilisent rarement pour exprimer leurs opinions ou ressentis sur les acteurs institutionnels du dispositif. Ils ne sont que :

  • 30% à le faire à propos des enseignants ;
  • 32% à le faire à propos de l’équipe administrative ;
  • 35% à le faire à propos des tuteurs.
    Même si pour l’usager c’est le rôle premier de ces médias les réponses ont confirmé que pour plus de 75% des répondants leurs usages des réseaux sociaux leur permettaient de créer un lien social avec leurs pairs.

Graphique 5 : Principaux usages de réseaux sociaux par les étudiants dans le cadre de leur formation

L’enquête a fait ressortir qu’en dehors de la recherche d’un lien social les apprenants cherchent avant tout, quand ils partagent entre pairs, à échanger des informations sur les cours, à la fois sur les contenus et le partage des ressources. Ils le font également à propos des examens et de leurs modalités. Enfin, alors que le dispositif formel se charge de la communication autour de l’organisation de la formation ils semblent plus de 85% à s’informer sur ces aspects au travers de ces réseaux.

Discussion et perspectives pour la recherche

Tout d’abord, avant d’entamer la discussion il convient d’indiquer que les résultats proposés dans cet article ne sont construits qu’au travers d’une enquête quantitative. Nous en avons déjà vu les limites, par exemple, le fait que des étudiants déclarent utiliser YouTube dans le cadre de leur formation sans pour autant avoir d’éléments sur le type d’usages de ce réseau, même si on peut supposer qu’ils aillent y chercher des ressources documentaires complémentaires aux cours.

Cette enquête a permis de mettre au jour le fait que le dispositif formel tel qu’il a été conçu et amélioré depuis le début des années 2000 est jugé très positivement et permet d’obtenir des tuteurs et des enseignants des informations jugées pertinentes. Ces données renforcent l’idée que malgré l’évolution des instruments médiatiques il semble toujours important, dans tout dispositif formel, de consacrer une part importante à l’accompagnement de l’apprenant comme le préconisaient déjà Jacquinot (1993), Glikman (2002) ou encore Depover et al. (2011).

Les résultats globaux confirment qu’il existe bien parallèlement un accompagnement informel entre les étudiants de la L3 à distance et que celui-ci, à quelques exceptions près, ne se faisait ni avec l’aide de la famille, ni des enseignants, ni même des formateurs. Ce n’est également pas non plus le cas d’une entraide entre étudiants d’autres disciplines que celles des sciences de l’éducation. Ce sont donc exclusivement des étudiants qui s’entraident au sein de la promotion. En ce sens on peut alors parler véritablement de tutorat par les pairs tel qu’il est décrit par Papi (2013, 2014). Cependant les résultats ne permettent pas encore de donner plus d’informations sur la nature même de cette relation d’accompagnement telle qu’elle est décrite par Paul (2004, 2020)

Toutefois les résultats ont aussi montré que contrairement à ce que nous pouvions penser, peu de réseaux sont en fait sollicités dans le cadre de leurs apprentissages, essentiellement Facebook et WhatsApp, avec une nette préférence pour le second. Ainsi ces résultats seraient en accord avec ce qu’indique Poyet (2022) quand elle évoque l’importance de ces nouveaux médias sociaux qui permettent de soutenir et favoriser les apprentissages, voire de renforcer les aspects motivationnels. On aurait aussi pu penser que nos apprenants auraient pu avoir recours à d’autres réseaux sociaux quand ils étaient par exemple à la recherche de tutoriels ou comme ils sont majoritairement dans l’emploi qu’ils aillent davantage rechercher de l’aide au travers de réseaux professionnels comme LinkedIn. Tel ne fut pas le cas. Même si les données de Mélot et al. (2017) sont plus anciennes et concernent des étudiants belges elles confirment cette nette préférence pour des réseaux comme Facebook au détriment de Twitter ou LinkedIn. Ceci pourrait alors nous amener à réfléchir à l’instar de Fluckiger (2011) qui évoquait déjà avec l’émergence des réseaux sociaux qu’il se produisait alors des modifications importantes dans ce qu’il nommait les contextes « traditionnels » ou « institutionnalisés » de la Formation à Distance sur la création de frontières, certains réseaux étant exclusivement réservés à la vie privée et aux loisirs et d’autres plus perméables permettraient de relier loisirs et apprentissages.

D’un autre côté quand on observe leurs usages estudiantins entre pairs on se rend compte qu’ils effectuent bien souvent des tâches similaires à celles traditionnellement décrites par Denis (2003) ou encore Depover et Quintin (2011) quand ils évoquent le tutorat formel, à savoir, le partage d’informations sur les cours, les examens, le partage de fiches de cours ou bien encore l’explication d’éléments organisationnels. Ces données montrent qu’on ne peut pas parler de supplantation d’un tutorat formel par un tutorat informel par les pairs mais plutôt d’une juxtaposition de ces deux postures tutorales. Cette juxtaposition avait déjà été constatée par Fluckiger (2011) à propos des usages d’instruments numériques dans le cadre de travaux collaboratifs à l’université dans lesquels des apprenants ne se limitaient pas à ceux proposés par l’institution mais les complétaient par ces réseaux (Facebook ou encore des messageries instantanées de type MSN). Néanmoins ceci pourrait laisser à penser qu’avec le développement croissant des usages des réseaux sociaux dans la sphère éducationnelle, à l’instar de ce qu’indiquait Papi (2013), qu’au niveau des apprentissages le tutorat par les pairs remette en cause la relation classique liée à la construction des connaissances telle qu’elle est décrite par Houssaye (1992) ou encore Brousseau (1998) dans le triangle didactique fondé sur les relations entre l’objet du savoir, l’apprenant et l’enseignant. Dans ce cas quel serait le rôle de l’enseignant quand les apprenants co-construisent entre pairs ?

Les perspectives de cette recherche sont nombreuses. En effet il nous semble indispensable de requestionner l’effet lié à la modification de la population de cette licence à distance, initialement composée exclusivement d’étudiants dans l’emploi et âgés de plus de 30 ans. Le Covid en est-il la cause ? Des étudiants plus jeunes en formation initiale ayant trouvé par exemple un intérêt à poursuivre leurs études non plus dans des amphithéâtres mais à distance accompagnés de tuteurs ? Une fois avoir mieux compris ces changements structuraux dans la formation nous pourrions alors poursuivre en essayant de dresser des corrélations entre cette nouvelle population et leur appétence pour les réseaux sociaux et un travail entre pairs ?

Enfin le questionnaire ayant montré ses limites, au niveau méthodologique et dans une visée compréhensive par rapport aux usages des réseaux sociaux par les étudiants deux pistes sont également à investiguer, la première est le fait pour Facebook de construire une grille d’analyse permettant de vérifier les éléments qui sont le plus souvent partagés par les étudiants et la seconde de croiser ces données quantitatives avec des entretiens.

Références bibliographiques

Albero, B. (2010). La formation en tant que dispositif  : Du terme au concept. In B. Charlier & F. Henri, Apprendre avec les technologies (p. 47‑59). PUF.

Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. La Pensé Sauvage.

Denis, B. (2003). Quels rôles et quelle formation pour les tuteurs intervenant dans des dispositifs de formation à distance  ? Distances et savoirs, 1(1), 19‑46.

Depover, C., De Lièvre, B., Peraya, D., Quintin, J.-J., & Jaillet, A. (2011). Le tutorat en formation à distance. De Boeck.

Fluckiger, C. (2011). De l’émergence de nouvelles formes de distance. Les conséquences des nouvelles pratiques de communication ordinaires sur la FAD dans le supérieur. Distances et savoirs, 9(3), 397‑417.

Glikman, V. (2002). Des cours par correspondance au « e-learning »  : Panorama des formations ouvertes et à distance. Presses universitaires de France.

Houssaye, J. (1992). Le triangle didactique  : Théorie et pratiques de l’éducation scolaire. Peter Lang.

Jacquinot, G. (1993). Apprivoiser la distance et supprimer l’absence  ? Ou les défis de la formation à distance. Revue Française de Pédagogie, 102, 55‑67.

Jacquinot-Delaunay, G. (2002). Absence et présence dans la médiation pédagogique ou comment faire circuler les signes de la présence. In R. Guir, Pratiquer les TICE (p. 103‑113). De Boeck Supérieur.

Jézégou, A. (2009). Caractériser la distance en formation  : Un jeu de transactions entre le dispositif et l’apprenant. In G. Lameul, A. Jézégou, & A. F. Trollat (Éds.), Articuler dispositifs de formation et dispositions des apprenants (p. 93‑111). Chronique Sociale.

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Lesage, P. (1975). La pédagogie dans les écoles mutuelles au XIXe siècle. Revue française de pédagogie, 31(1), 62‑70. https://doi.org/10.3406/rfp.1975.1592

Mélot, L., Strebelle, A., Mahauden, J., & Depover, C. (2017). Utilisation de Facebook en contexte universitaire. Sticef.org, 24. https://doi.org/10.23709/sticef.24.1.4

Papi, C. (2013). Le tutorat de pairs dans l’enseignement supérieur  : Enjeux institutionnels, technopédagogiques, psychosociaux et communicationnels. l’Harmattan.

Papi, C. (2014). Formation à distance. Dispositifs et interactions. ISTE.

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Paul, M. (2004). L’accompagnement  : Une posture professionnelle spécifique. l’Harmattan.

Paul, M. (2020). La démarche d’accompagnement  : Repères méthodologiques et ressources théoriques. De Boeck supérieur.

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Thouroude, L. (2007). Etudier en License. In J. Wallet, Le campus numérique FORSE : Analyses et témoignages. PURH.

Wallet, J. (2007). Le campus numérique FORSE : Analyses et témoignages. PURH.


Annexe : Exemples de questions issues des 4 sections du questionnaire.

Section 1 : Les questions concernant le public (sexe, âge, profession…)

Genre : Féminin / Masculin / Ne se prononce pas

Votre situation familiale :

Marié / Pacsé / En concubinage / Divorcé / Célibataire / Veuf-veuve / Ne se prononce pas

Avez-vous des enfants ? :

Oui / Non/ Ne se prononce pas

Si oui précisez

Pendant votre formation, résidiez-vous en France ? Oui /Non / Ne se prononce pas

Si oui précisez

……………….

Section 2 : Les questions concernant le dispositif formel d’accompagnement (perception des tuteurs, des exercices d’entraînement aux examens…)

Sur une échelle de 1 à 4 évaluez la qualité de l’accompagnement de votre tutorat (hors quali/quanti/anglais)

1 (pas du tout satisfait) / 2 (plutôt pas satisfait) / 3 (plutôt satisfait) / 4 (tout à fait satisfait) / Ne se prononce pas

Sur une échelle de 1 à 4 évaluez la qualité de l’accompagnement de votre tutorat pour la méthodologie qualitative et quantitative

1 (pas du tout satisfait) / 2 (plutôt pas satisfait) / 3 (plutôt satisfait) / 4 (tout à fait satisfait) / Ne se prononce pas

Sur une échelle de 1 à 4 évaluez la qualité de l’accompagnement de votre tutorat en Anglais

1 (pas du tout satisfait) / 2 (plutôt pas satisfait) / 3 (plutôt satisfait) / 4 (tout à fait satisfait) / Ne se prononce pas

Sur une échelle de 1 à 4 évaluez la qualité de l’accompagnement sur les EEE (Exercices d’Entrainement aux Examens)

1 (pas du tout satisfait) / 2 (plutôt pas satisfait) / 3 (plutôt satisfait) / 4 (tout à fait satisfait) / Ne se prononce pas

……………….

Section 3 : Les questions sur les réseaux sociaux utilisés par les étudiants dans le cadre de leur formation

Etiez-vous connecté à des réseaux sociaux en lien avec votre formation à distance (ex Groupe Facebook L3 CNED ROUEN) ?

Oui / Non / Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, quel réseau : [WhatsApp]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, quel réseau : [Instagram]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, quel réseau : [TikTok]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, quel réseau : [LinkedIn]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

……………….

Section 4 : Les questions sur les aspects informels de l’accompagnement (qui et avec quels réseaux sociaux).

Pendant cette année avez-vous également été aidé / accompagné par un ou plusieurs étudiants de Sciences de l’éducation (de la promotion)

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Pendant cette année avez-vous également été aidé / accompagné par un ou plusieurs amis

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Pendant cette année avez-vous également été aidé / accompagné par un ou plusieurs collègues de travail

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Etiez-vous connecté à des réseaux sociaux en lien avec votre formation à distance (ex Groupe Facebook L3 CNED ROUEN) ? (NB question posée dans la section 3)

Oui / Non / Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, pour quelles raisons : [Pour obtenir /partager des informations sur les cours]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

Si oui, pour un usage en lien avec la L3 SDE FORSE, pour quelles raisons : [Pour obtenir /partager des informations sur les examens]

Jamais / Rarement / Souvent /Toujours/ Ne se prononce pas

……………….

[2Voir quelques exemples de questions en annexe.


 

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